États-Unis, 2023
★★★★
Avec sa distribution étoffée (Talia Ryder, Jeremy O. Harris, Ayo Edebiri, Jacob Elordi, Earl Cave, Simon Rex), The Sweet East (2023) brosse le portrait d’une société américaine bigarrée à travers les tribulations de Lilian, une lycéenne de dernière année. Parsemé de personnages saugrenus comme des activistes punks, des néo-nazis d’extrême droite, des metteurs en scène excentriques et une sorte de secte fanatique de musique électronique, cette première réalisation de Sean Price Williams utilise une structure narrative psychédélique à la Alice au Pays des Merveilles particulièrement intéressante.
Une épopée instiguée par la force du hasard
En s’égarant de son groupe lors d’une sortie scolaire à Washington, Lilian (Talia Ryder) se retrouve au cœur d’une épopée transformative à travers l’Est des États-Unis. L’adolescente nonchalante, qu’on ne lâche pas des yeux dû à l’interprétation captivante de Ryder, embrasse les rencontres hasardeuses qu’elle fera sur son passage, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Sa personnalité est interchangeable selon les besoins de ceux qui l’entourent : mais loin de provenir d’un lieu de complaisance, il s’agit plutôt d’un mécanisme ingénieusement orchestré par la protagoniste qui ne souhaite qu’avancer dans sa quête.
Dans quel but Lilian se laisse-t’elle porter par les flots de l’aventure alors que ses parents ont lancé un avis de recherche à son effet ? L’audace de la jeune femme semble survenir d’une simple lassitude typique des personnages en pleine découverte identitaire. Parce qu’en effet, même en se promenant dans tous les sens en termes de style cinématographique, de ton, de rythme et de musique, The Sweet East porte essentiellement les traits d’un coming of age, mais sur l’acide.
Une ambiguïté temporelle rafraîchissante
À chaque chapitres, divisés par des titles screens qui évoquent esthétiquement les contes des frères Grimm, Lilian semble atterrir dans une époque différente. Le spectateur a ainsi l’impression d’entreprendre une aventure retraçant certains faits historiques américains sur une ligne du temps disproportionnée. Cette ambiguïté temporelle garde l’atmosphère du film dynamique du début à la fin, en créant l’effet d’un « rêve fiévreux » absurde.
Avec la texture chaleureuse du grain de la pellicule, de splendides compositions pittoresques et une multitude de personnages uniques (on doit notamment souligner le travail d’Ayo Edebiri et de Jeremy O. Harris pour leur duo comique incroyable), The Sweet East est un long-métrage qui a sa propre essence.
On se demande toutefois à la fin du récit, où se situe le film politiquement. Est-ce qu’il s’agit d’une critique sociétale, ou d’une simple balade de plaisance parmi la diversité du paysage américain ? Ce sera à vous d’en juger lors de votre propre visionnement. Le film est présentement à l’affiche au Cinéma du Parc puis au Cinéma Moderne en début février.
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Durée : 1h44
Crédit photos : Utopia