Québec, 2025
★★★1/2
Chaque avancée technologique majeure, avant d’être adoptée par la majorité, suscite des débats éthiques et des discussions animées. L’humanité ne cesse de se surpasser par le progrès, la quête de la vie éternelle agissant comme une sorte de rêve commun qui alimente l’imaginaire. Avec Posthumains, l’autrice et comédienne Dominique Leclerc s’interroge sur l’avancée du discours post-humaniste et de la notion de biohacking s’inscrivant de plus en plus dans le discours collectif, à plusieurs niveaux.
Le film s’ouvre alors que la documentariste témoigne de son expérience personnelle à la genèse de son travail de recherche. Suite à un coma diabétique, l’artiste prendra plus que jamais conscience de sa mortalité, sa fragilité et que son corps ne pourra pas la maintenir en vie éternellement. Cette exposition forcée à l’insuline générée artificiellement, puis aux technologies médicales permettant aux personnes diabétiques de déjouer le handicap, sera le coup d’envoi d’un questionnement beaucoup plus large.
Il existe en effet plusieurs alternatives non-officielles permettant d’améliorer la qualité de vie humaine, redéfinissant le rapport traditionnel à la santé et la médecine. Posthumains nous invite donc à suivre le questionnement de la cinéaste, au fil de rencontres avec plusieurs groupes tentant d’approfondir la recherche et les avancées d’un milieu encore méconnu et effrayant pour plusieurs. Et bien que le point de vue de Leclerc sur la question soit assez évident (la création en politique du Parti Cyborg en est un indice plutôt clair), le documentaire ne cherche pas à convaincre, mais bien à ouvrir le discours sur les notions d’interférences technologiques sur l’existence humaine.
Bien que Posthumains s’intéresse principalement à la notion de biohacking, le documentaire touche quand même à plusieurs autres notions préoccupantes telles que le système de santé américain, ne permettant pas aux citoyens pauvres d’accéder aux ressources dont ils ont besoin pour leur survie, ou le système de surveillance chinois, de plus en plus intrusif, qui soulève également des questionnements éthiques reliés au post-humanisme. Certaines pratiques mentionnées dans le film pourront paraître questionnables, autant d’un point de vue scientifique que parfois même éthique, mais on les aborde d’abord avec un angle philosophique. Parce qu’en dehors de la possibilité ou non d’atteindre un jour l’immortalité, il faut d’abord se demander si c’est une chose souhaitable?
L’émotion et le point de vue de la documentariste, vivant directement les conséquences du déclin corporel avec le diabète, apporte une puissance et une urgence à son questionnement, qui va au-delà des données techniques et pratiques. On ressent un besoin de savoir, une quête viscérale qu’il est d’autant plus intéressant de partager au-travers du film.
L’exploration documentaire de Dominique Leclerc avec Posthumains s’est également manifestée sous d’autres médiums, avec la création d’une pièce éponyme, en 2017. Le questionnement de l’artiste se poursuit avec ce long-métrage, mais également dans Une vie intelligente, nouvelle production théâtrale présentée au Duceppe jusqu’à fin mars 2025.
Les avancées technologiques reliées à la santé nous réservent plusieurs surprises. Le débat ouvert dans le documentaire est loin d’être terminé, et Posthumains est une excellente porte d’entrée en la matière.
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Durée : 1h28
Crédit photos : Office national du film du Canada