France, 2021
Note : ★★1⁄2
Suzanne Lindon, fille de Vincent Lindon et de Sandrine Kiberlain, livre dans sa première œuvre cinématographique, une histoire d’amour entre un comédien d’une trentaine d’années et une jeune adolescente de 16 ans. De cette histoire à la fois douce et intense nait une réflexion sur l’envie d’une génération et sur la puissance des sentiments.
Une douce atmosphère
Seize printemps, raconte l’histoire de Suzanne (Suzanne Lindon) qui tombe amoureuse de Raphaël (Arnaud Valois), un acteur de théâtre qui performe dans la salle de spectacle devant laquelle elle passe chaque jour pour aller à l’école. L’intrigue principale, qui repose sur cette tension charnelle entre l’homme mature et la jeune femme, est joliment accompagnée d’images à l’apparence léchée. En effet, les cadrages serrés et l’usage fréquent du gros plan pour isoler Suzanne et ses émotions qui submergent son corps témoignent de la représentation romantique de l’éveil sentimental. La récurrence de la couleur rouge dans presque tous les cadres souligne l’effort de bâtir une esthétique qui participe à la vision édulcorée de l’amour. Traiter d’un sujet aussi universel que l’amour est ingénieux et le faire à travers le prisme d’une adolescente, une belle idée. Or, la manière dont s’y est prise Lindon afin de présenter cette perspective romantique n’a malheureusement pas été efficace. Celle-ci idéalise cette expérience et semble faire fi d’une tout autre réalité plus commune à ce groupe d’âge qui est davantage marquée par plusieurs transitions brutales, voire violentes. Toutefois, la trame sonore de Vincent Delerm participe à soigneusement construire une douce atmosphère.
Quelques fois dans le film, plus précisément à chacun des moments où les deux personnages principaux atteignent le paroxysme amoureux, vient une chorégraphie. L’intégration de Vivaldi et de ces moments de danse amènent une nouvelle forme de consommation de l’amour, ainsi qu’une articulation différente et intéressante de l’affection et de l’éros. L’idée est ingénieuse, mais maladroitement exécutée, les interludes dégagent un malaise et s’insèrent drôlement dans l’univers. Ces instants accompagnés de la musique classique sont anachroniques à la modernité de la relation qu’entretiennent les protagonistes.
Une langueur pénible
Le film qui semble prendre l’allure d’un conte fantaisiste propose un fantasme de l’amour qui empêche le spectateur de se sensibiliser à ce que vivent les personnages. Il ne réussit pas à se tailler une place dans l’histoire et maintient son statut d’observateur, sans pouvoir y participer. Malgré les grands noms de la distribution comme Frédéric Pierrot dans le rôle du père ou Arnaud Valois dans celui du comédien, le jeu des acteurs n’est pas convaincant. Aucune émotion ne parvient à se faire voir ou à se faire expier par leurs interprétations, et ce, en dépit des cadrages rapprochés qui donnent une vitrine à l’affect. Ce ne sont que des sourires timides que l’on perçoit pendant les 73 minutes du film. De plus, les dialogues manquent de profondeur et de fluidité. Arnaud Valois, découvert dans 120 battements par minute (on en parlait ici), adopte une performance d’acteur qui est dénuée de vie et d’entrain. Tous les moyens permettant de véhiculer un message ou une sensation demandent à être retravaillés et ne se complètent aucunement. L’artificialité des répliques jointes à un jeu inefficace ne résulte qu’à une expérience cinématographique lassante. Nous demeurons dans l’attente d’une progression narrative pendant toute la durée du film. Celui-ci s’amorce sur une intrigue amoureuse intéressante, mais rapidement maintient ce rythme contemplatif sans faire évoluer les personnages à l’intérieur de l’univers. Le spectateur, comme Suzanne et Raphaël, demeure dans l’incompréhension face aux échanges subtils et subliminaux des deux amants. L’œuvre aux effluves de Frances Ha, ou bien de l’Effrontée de Claude Miller témoigne toutefois d’une certaine cinéphilie de la part de la réalisatrice.
C’était un projet ambitieux de la part de la jeune femme, sachant que le scénario fut rédigé lorsqu’elle n’avait que quinze ans. Le besoin de dresser un portrait sensible des maux d’un groupe d’âge tout entier était intelligent et différent. Il n’en demeure pas moins que le premier film de Suzanne Lindon laisse présager un désir insatiable et un plaisir à créer. Seize printemps offre une vision spécifique et romantique d’une période houleuse de la vie de chacun.
Bande-annonce originale :
Durée : 1h13
Crédit photos : Axia Films