Nadia, Butterfly : Après le podium

Québec, 2020
★★★1/2

L’importante course olympique au cœur de Nadia, Butterfly se tient dès le premier tiers du film. Ce choix narratif détonne de tout autre film de sport qui en aurait fait l’apogée de son histoire. L’auteur et réalisateur Pascal Plante décide d’aborder ce genre très codé autrement pour en faire une fine et touchante étude psychologique de la vie d’athlète.

Son nouveau film, sélectionné au Festival de Cannes 2020 qui finalement n’aura jamais lieu, offre un regard fasciné et fascinant sur le milieu de la natation de haut niveau. Film d’émancipation et film d’ambiance à la fois, Nadia, Butterfly présente une perspective de l’intérieur sur la réalité de jeunes nageuses professionnelles.

Dans le début de la vingtaine, Nadia (Katerine Savard) participe à ses derniers jeux olympiques à Tokyo avant de prendre sa retraite sportive pour retourner aux études.

Ce qui frappe d’entrée de jeu est l’immersion que Pascal Plante arrive à créer dans ce milieu méconnu. On se croirait réellement aux Jeux olympiques 2020 de Tokyo. La reconstitution précise et détaillée à la limite du documentaire, le jeu naturel des interprètes, pour la plupart de vraies nageuses olympiques, et la connaissance évidente du milieu dont fait preuve l’ancien nageur devenu réalisateur contribuent à ce réalisme.

Comme il le faisait dans son précédent long-métrage, Les faux tatouages, Plante privilégie les longs plans-séquences qui favorisent ce sentiment d’immersion totale où l’on a l’impression de vivre le moment avec les personnages.

À travers l’ampleur de cet événement sportif immense que sont les jeux olympiques, la caméra de Plante est toujours fixée, très près, sur sa protagoniste, Nadia, car même si le réalisateur s’intéresse au sport, c’est clairement l’humain qui le fascine.

Nadia a décidé de prendre sa retraite malgré son jeune âge et la pression de ses pairs qui l’incitent à continuer. À partir de cette réflexion, le réalisateur écrit un film sur la douleur du renoncement quand il faut passer à autre chose, à une autre étape de la vie, et sur la difficulté d’assumer ses propres décisions.

L’approche psychologique est très pertinente. Malgré la dimension spécifique et pointue de la prémisse, la portée du propos est universelle. De fait, beaucoup de gens vont passer par ces atermoiements dans leur vie lorsque viendra le moment de devoir s’arracher à quelque chose qui les définit, que ce soit à l’occasion d’une rupture amoureuse, d’une démission, d’un déménagement ou autre. La nostalgie, la peur du regret sont des sentiments vécus par tous.

On ressent les déchirements du personnage, toujours attiré par ce qui a rempli sa vie jusqu’alors, sa nostalgie des illusions de l’enfance, son attachement à sa famille sportive et sa passion profonde pour la nage. L’univers aquatique l’habite encore, son corps en est viscéralement imprégné, il a été formé par les exigences de son sport. La caméra nous le démontre bien.

Mais parallèlement, une conscience s’est formée qui aspire à autre chose, sans trop savoir quoi, sinon qu’il y a un monde au-delà de l’ignorance de sa jeunesse accaparée par une passion exclusive qui ne lui a pas permis de voir ce qui existe quand on sort des piscines où l’appelle la compétition. Le film de Pascal Plante nous révèle que Nadia entend désormais dédier les efforts surhumains qu’elle déploie, qu’elle se sait capable de déployer, à une cause plus grande qu’elle. Elle refuse dorénavant de se limiter à l’unique quête de performance sportive qu’elle juge égoïste, narcissique. Elle ne croit pas – ou plus – au mirage de l’équipe, elle est passée de l’autre côté du miroir.

Quand Nadia visite Tokyo, seule, sans la béquille de la camaraderie et de l’encadrement sportifs, on la sent curieuse, sereine, libre, en pleine possession de ses moyens. Elle affiche une expression qui contraste avec l’air plus sombre qui caractérisait son visage dans les scènes antérieures.

Le propos est intime. Ancien nageur, Plante insuffle à son œuvre une dimension toute personnelle. Il communique avec efficacité et sobriété cette expérience d’arrachement que vit Nadia à l’occasion de ses dernières compétitions. Sans être une actrice professionnelle, l’interprète traduit de façon convaincante les déchirements de son personnage qui choisit de mettre fin à l’aventure au sommet de sa gloire.

Récit simple malgré la complexité émotionnelle qu’il évoque, Nadia, Butterfly présente une tranche de vie décisive de manière douce-amère. C’est une petite bulle dans le temps.  On assiste pourtant à une progression narrative qui va du suspense – on en vient à imaginer qui sait quel drame – vers un départ quasi rassurant vers l’inconnu. Nadia s’affirme et la menace se dissout. Ce n’est pas un drame passé mais une ouverture sur le futur qui est la clé de l’énigme. 

Durée: 1h47

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