Danemark, 2019
Note: ★★★★
Premier long métrage du réalisateur danois Ulaa Salim présenté en première canadienne à Fantasia, Sons of Denmark est un film puissant par la justesse de son propos et rempli d’une imprévisibilité qui capte le spectateur jusqu’à la toute fin.
Fantasia : « À Copenhague, un moment de la vie de tous les jours est interrompu par une explosion — l’attentat terroriste le plus meurtrier de l’histoire du Danemark. Un an plus tard, la tragédie a été récupérée politiquement par le Mouvement National, un parti mené par Martin Nordahl (Rasmus Bjerg), qui souhaite se débarrasser de tous les immigrants ». La tension est forte dans cette ville où des groupes extrémistes se forment, des deux côtés de l’échiquier. On y observe à la fois une organisation de suprématistes blancs, appelés « Fils du Danemark » et de l’autre côté, en réaction à la montée de l’islamophobie généralisée et engendrée par la présence de ce mouvement national, un groupe de musulmans prépare des attaques ciblées contre cette organisation d’extrême droite. Choqués par les actions grotesques de têtes de cochon coupées et d’écriteaux sanglants sur les murs de la ville exprimant un désir de voir l’immigration cesser dans leur ville, ce regroupement d’arabes musulmans prépare un attentat contre le nouveau chef du mouvement national, Martin Nordahl (Rasmus Bjerg). Parallèlement, le jeune Zakaria (Mohammed Ismail Mohammed), 19 ans, a lâché l’école et doit se trouver un travail rapidement pour aider son jeune frère et sa mère. Il entre donc dans ce regroupement avec la plus grande naïveté du monde et surtout, le désir de faire partie d’un groupe, d’être le membre d’une communauté.
*Note de la rédaction : certains éléments du texte peuvent dévoiler des points forts de l’intrigue*
En plus d’être profondément lié à l’actualité, ce récit est complexe, non pas dans sa compréhension mais bien dans la façon dont il joue avec les rebondissements. Lorsque le jeune Zakaria se fait coincer dans sa tentative d’attentat contre le nouveau Premier ministre, le récit pivote complètement et nous emmène du côté du policier arabe (Zaki Youssef) qui a infiltré cette cellule extrémiste. Il a pourtant essayé subtilement de convaincre le jeune Zakaria de laisser tomber, de retourner dans sa famille. Mais le mal est déjà fait. Puis les semaines passent et à la fin de son infiltration, on confie à Ali, le policier, une nouvelle mission: l’écoute active des enregistrements d’un collègue qui a infiltré les « Sons of Denmark ». Parallèlement, le nouveau Premier ministre dénonce de plus en plus souvent à la télévision la présence accrue des immigrants dans son pays. Les paroles de cet extrémiste de droite déguisé en costume trois-pièces (on peut penser à Trump et au populisme) se forgent un chemin dans la tête d’Ali. Lentement, il entendra partout des gens se prononcer contre la présence étrangère jusqu’à ce qu’il pète les plombs et pose à son tour un geste fatidique.
Visuellement très sombre et expressif, le premier long métrage de Ulaa Salim frappe fort avec des images saisissantes. Lorsqu’un groupe de jeunes Arabes découvre des mots violents sur un mur de la ville, ce sont plutôt les têtes de cochon coupées qui viennent nous surprendre. La caméra, elle, suit de très près nos personnages. D’ailleurs, on s’y attache rapidement, même si on ne peut être en accord avec leurs gestes. Parfois aussi, la caméra emprunte son style au vidéoclip hip hop et trap. Sur stabilisateur, la caméra pivote sur son axe pour faire basculer l’horizon. Une technique qui avait été très bien utilisée dans l’excellent film de David Robert Mitchell, It Follows (2014).
C’est un film dur et violent. Un film chargé d’une violence pas toujours physique. Une violence insidieuse qui s’accumule par les propos racistes entendus à la télévision, par les commentaires désobligeant des collègues policiers d’Ali, par la peur qu’ont les gens des attentats musulmans. C’est un film d’autant plus nécessaire car même si ces propos négatifs sont condensés dans le film, ils se retrouvent dans notre réel de tous les jours, même dans la bouche maladroite de certains de nos amis… C’est un film qui souligne une décroissance de la tolérance entre les différents peuples, entre les différentes pratiques religieuses, entre les différences en général. Sons of Denmark accuse non seulement les extrémistes des deux côtés, mais aussi les gens normaux, ceux qui ne disent rien. Sons of Denmark est pour moi l’un des meilleurs films que j’ai pu voir cette année à Fantasia. Jeune cinéaste de 32 ans, Ulaa Salim est à suivre de très près.
Durée: 2h
Ce film a été vu dans le cadre du Festival international de films Fantasia.