Dans son deuxième long métrage de fiction, Mes ennemis, présenté en compétition au Festival des Films du Monde, le réalisateur québécois Stéphane Géhami offre à son public un drame lourd mélangeant habilement tabou et amour. ♥♥♥½
Une nuit, la blonde de Cédric le plaque dans une station de métro. Démoli, mais avec la rage de ses 23 ans, Cédric campe avec son roman inachevé dans un sac. Le destin l’entraîne vers l’immense maison délabrée d’Isabelle, autrefois belle pianiste adulée, aujourd’hui alcoolique à la dérive, seule à 76 ans avec son piano et une bande de pensionnaires dépareillés. Dès qu’ils se voient, Cédric sait qu’Isabelle, c’est l’amie, la seule femme de sa vie,et Isabelle comprend qu’il est sa dernière chance de connaître l’amour. Poussés par la rage de s’aimer, ils foncent , s’enivrent l’un de l’autre, se déchirent jusqu’à la haine, jusqu’à la mort, jusqu’à quitter la réalité pour que leur amour existe.
Mes ennemis: Amour fou
L’amour est un sentiment bien compliqué, difficile à définir et qui peut se traduire sous bien des façons. Avec Mes ennemis, les limites de l’amour sont exploitées à son paroxysme. De manière rafraichissante et courageuse, Stéphane Géhami ose l’interdit en multipliant les scènes et les dialogues délicats: sexe, drogues, alcool, infidélité et mensonge sans le moindre souci d’inhibitions.
Cette œuvre est à la fois un hommage à la folie, la démesure, la poésie de Nelligan et au rêve, mais surtout à l’actrice Louise Marleau et peut-être même, aux actrices qui sont toujours capables de performer devant la caméra malgré leurs âges avancées. Car Louise Marleau est une habituée du théâtre, ce plus récent long métrage est seulement son 22ème rôle au grand écran (elle a débuté sa carrière en 1955 avec Beau temps, mauvais temps). Si elle excellait sur la scène théâtrale, elle resplendit grâce à la direction du cinéaste québécois. Ce dernier réussi également à sortir le meilleur de l’interprète masculin Frédéric Lemay, son premier grand rôle au cinéma, qui rend son personnage tout à fait crédible qu’un jeune homme dans la vingtaine puisse tomber amoureux d’une septuagénaire. Il incarne avec brio l’arrogance, la fraîcheur et l’intelligence qu’un homme de son âge peut avoir.
Du cinéma d’auteur de qualité, mais qui ne sera évidemment pas pour tous les goûts, Mes ennemis vaut tout de même le détour pour son allure peu commune dans les standards du cinéma québécois. Certains critiqueront son apparence trash ou sa vision trop théâtrale, mais difficile d’en vouloir aux interprètes et devant une mise en scène maîtrisée par son artisan.
Auteur: Justin Charbonneau
MES ENNEMIS de Stéphane Géhami – extrait – La… par mesennemis