Coups de cœur de la 29e édition du festival Regard

Avec une dizaine de projections en compétition internationale, autant de programmes thématiques et une pléthore d’activités, pour les professionnels comme pour les spectateurs, le festival Regard est un incontournable dans le milieu du court-métrage québécois. Pour sa 29e édition, l’événement faisant vibrer Chicoutimi chaque année nous offrait une sélection impressionnante de films de tous genres, s’adressant autant aux cinéphiles chevronnés qu’à un jeune public, le festival présentant maintenant certaines œuvres dans un contexte scolaire.

Plusieurs courts-métrages ont gagné le cœur des juges et des cinéphiles, notamment l’excellent Shadows de Rand Beiruty, gagnant du Grand Prix, ou Orbites, une proposition expérimentale de Sarah Seené qui mérite le Grand prix Canadien ainsi que le prix FIPRESCI international. Tous les autres prix remis aux courts-métrages gagnants sont d’ailleurs disponibles ici.                                                                                                                                                                              Même avec les meilleures intentions, la programmation de Regard est si complète et variée qu’il est impossible de voir tous les courts-métrages proposés par le festival au cours de la semaine de l’événement. Voici tout de même quelques coups de cœur personnels, à ajouter dans votre liste de visionnement.

ORúnar Rúnarsson

Le réalisateur islandais nous offre avec O une intrigue simple, mais dont le traitement brut et réaliste est fait avec intelligence et finesse. Ingvar E. Sigurosson incarne Grimur, un homme dont l’esprit est tourmenté par des problèmes de consommation majeurs, qui tente de reprendre un contrôle sur lui-même afin d’assister au mariage de sa fille, ce qui lui permettrait de renouer contact autant avec elle qu’avec la personne qu’il était.

C’est avec maturité et sensibilité que le film nous est livré, autant dans sa réalisation que dans le jeu de sa distribution, excellent autant dans leur subtilité que dans les moments de tension, qui pourraient sembler exagérés, mais qui témoignent d’une réalité complexe et difficile. O appartient formellement à un cinéma plus classique, mais l’efficacité de ce court-métrage dramatique ne peut laisser indifférent.

HurikanJan Saska

Dans un film d’animation qui n’est pas sans rappeler le caractère loufoque et cru de Bojack Horseman , le réalisateur tchèque propose une histoire cocasse où un cochon humanoïde tente de remplir le baril de bière de la tenancière du bar qu’il fréquente. Chemin faisant, il affrontera plusieurs obstacles le confrontant à ses habitudes de consommation avec humour et violence.

        Le film est rafraîchissant, loufoque, parvient à raconter son intrigue avec peu de mots grâce à une animation magnifique, pleine de vivacité.

Berthe is dead but it’s okaySacha Trilles

Dans une démarche extrêmement personnelle qui prend le public à témoin, le réalisateur nous présente sa grand-mère Berthe, atteinte du Parkinson, qui prend la décision de mettre fin à ses jours à l’aide de l’organisme Exit, et qui sait qu’elle en est maintenant aux derniers mois de son existence.                                                                                                                    La proposition explore donc cette idée de mort imminente, beaucoup plus difficile pour l’entourage de la femme que cette dernière, qui réfléchit à l’expérience avec une déconcertante lucidité. Le réalisateur propose donc de mettre en scène la mort de sa grand-mère, avec une surenchère de style et de mises en scène éclatées, entrecoupées de segments d’entrevues extrêmement simples et humains.

            On ne peut rester impassible devant tant d’humanité. Le processus artistique personnel du réalisateur est touchant, et si on peut reprocher au court-métrage quelques longueurs et séquences moins utiles, il n’en reste pas moins que la sincérité de la démarche derrière le projet en dépasse les maladresses.

Un court-métrage unique témoignant d’une douleur universelle.

HimaliaClara Milo, Juliette A. Loosky

C’est dans une esthétique visuelle et un espace-temps propres à Terrence Malick que se déploie ce court-métrage éthéré, unique, d’une direction photo magnifique. L’intrigue dHimalia se déploie lentement, ne laissant que très peu d’indice sur la situation que semble vivre cette famille hors-normes, habitant au milieu d’un champ ensoleillé. Malgré la lumière et la chaleur qui entoure les personnages du film, ceux-ci semblent pourtant en proie à un mal-être qu’on parviendra à comprendre petit à petit, jusqu’à une scène finale d’une immense beauté.

Le court-métrage se détache du lot par une atmosphère unique et un scénario très simple, mais mis en scène avec finesse et intelligence. Définitivement à découvrir.

World at stakeSusanna Flock, Adrian Jonas Haim, Jona Kleinlein

Utiliser uniquement les modes et graphismes de jeux vidéo sportifs afin de mettre en scène un court-métrage est déjà une contrainte respectable, et le collectif de Susanna Flock, Adrian Jonas Haim et Jona Kleinlein parviennent à livrer avec ce projet une ambiance unique et déconcertante.

                          On nous propose avec World at stake une absurdité et une déconstruction narrative qui ne plairont pas à tous.tes, mais ne laisseront définitivement pas indifférents. Bien qu’on aurait du mal à déterminer un propos où une histoire tangible, l’œuvre parvient à installer de manière absurde des images tout juste hors du réel, exploitant des notions de glitch horror et d’abjection, sans jamais entrer dans une imagerie sombre ou dérangeante, mais toujours un peu au-delà du réel.

Un projet expérimental qui vient toucher des cordes sensibles, dans son côté décalé et audacieux.

Projekt PappaCamilla Jämting

Cette proposition directement venue de Norvège est le portrait d’un père à la masculinité fragile de son époque, réalisé par sa fille, militante féministe, également documentariste.                                                                                                                  L’homme, influenceur du web expliquant à son public comment séduire à sa manière sur les applications de rencontres, accumule propos controversés et attitudes déplacées. Bien sûr, dans le film, on présentera l’homme en question avec le filtre d’un montage et une intention à la réalisation portant un jugement sur la personne et ses valeurs, mais cette critique ne semble pas déplacée, puisqu’elle naît de la volonté de la réalisatrice de se rapprocher de son père.

                Au fil du documentaire, celui-ci sera d’ailleurs confronté à sa propre personne et ses idéaux datés, jusqu’à en vivre une prise de conscience nécessaire, qui donne un peu d’espoir… Même si la finale nous prouve qu’autant dans cette histoire précise que dans une vue d’ensemble, le patriarcat est malheureusement loin d’être chose du passé.                                        En découle tout de même un film charmant, plein de frustration, mais aussi d’une forme d’amour/haine entre une femme dont le père semble l’objet de son militantisme.

En rétrospective, une fois de plus cette année, le festival Regard en proposait pour tous les goûts dans sa 29e édition. En plus d’être un incontournable pour les cinéphiles en quête de découvertes qu’il est malheureusement bien difficile de voir ailleurs, l’événement est également une occasion pour le milieu cinématographique de connecter avec son public pendant les nombreuses activités et soirées festives proposées pendant les cinq jours du festival.

Pour être à l’avant-garde des plus récents courts-métrages d’ici ou d’ailleurs, Regard est le choix idéal. C’est déjà un rendez-vous pour la 30e édition, en 2026. En attendant, le festival met à votre disposition plusieurs propositions québécoises présentées au festival pendant les deux prochaines semaines, juste ici.

Bon visionnement!

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