Aimer et laisser s’aimer – ♥♥♥½
Fondé au début des années 1940, le réseau autour de la revue «Der Kreis» («Le Cercle») était la seule organisation gaie ayant survécu au régime nazi. Épanoui après-guerre dans un club underground de renommée internationale, il fut ensuite mis en danger par la répression violente contre les homosexuels.

Le film de Stefan Haupt nous permet de découvrir l’univers fascinant de l’une des premières communautés de libération des homosexuels, en dépeignant une histoire d’amour taboue et inspirante de courage et de force d’un couple hors-normes. Pour raconter cela, on suit l’histoire amoureuse mouvementée et très touchante de Röbi Rapp, jeune coiffeur de jour et chanteur travesti la nuit et de Ernst Ostertag, apprenti enseignant timide. Entre biopic et documentaire, ce transect de l’histoire suisse du XXème siècle est entrecoupé de documents d’époque et de témoignages des deux amoureux, qui furent dans les années 1990 le premier couple homosexuel suisse officiellement marié. On suit donc la petite histoire de la Suisse et de la bataille pour les droits humains dans l’histoire européenne, depuis 1956 à nos jours.
La Suisse faisait en effet alors figure d’exception en Europe, étant une aire de liberté ne criminalisant pas les relations homosexuelles adultes (n’ayant pas l’équivalent du paragraphe 175 allemand). Le magazine Le cercle (publication « homophile » pour reprendre les mots de son créateur) était diffusé de manière la plus anonyme possible à plus de 2000 abonnés, dont 700 à l’étranger, avec la validation des services de contrôle et de la censure suisse. Le pays s’ouvrait alors peu à peu sur l’existentialisme, la littérature de Beauvoir et s’est heurté au renfermement et au cloisonnement des idéologies et des régimes politiques réactionnaires, depuis la chasse aux communistes jusqu’à l’interdiction d’une littérature qualifiée d’homophile. Des faits divers sordides, une campagne médiatique homophobe, l’acharnement policier, les humiliations et les menaces eurent finalement raison de ce journal et plus largement, jetèrent la suspicion et l’opprobre sur les homosexuels (ou soupçonnés comme tels) zürichois.
Très bien réalisé, interprété et mis en image, le film renvoie à notre propre actualité en montrant que les libertés acquises restent toujours vacillantes et ne doivent pas être prises pour acquises et définitives. Les membres du Cercle pensaient que l’époque (les années 1950) étaient prêtes pour plus de libertés individuelles, voire pour l’union des couples de même sexe et ont été les premières victimes des autorités.