Film après film, Na Hong Jin a su s’imposer aux comme l’un des auteurs les plus intéressants du cinéma contemporain sud-coréen. Réalisateur des polars The Chaser et The Murderer, le cinéaste parachève de livrer sa vision nihiliste et désenchantée du monde avec le définitif The Strangers. Polar burlesque glissant petit à petit vers le thriller surnaturel, le film s’avère être une expérience inoubliable et surtout immanquable dans les salles obscures. ♥♥♥♥♥
Dans une petite bourgade tranquille de la campagne coréenne, un policier naïf et maladroit se retrouve confronté à une série de meurtres semblant être commis par des personnes habitées par un mal étrange. Tentant de composer avec cette force démoniaque qui s’invite jusque dans son foyer, l’homme va alors mener une enquête cauchemardesque et labyrinthique sur l’origine de ces incidents. Nihilisme et désolation sont les mots qui semblent le mieux caractériser The Strangers. Le film cherche à montrer comment le mal contamine tout sur son passage, comment celui-ci s’accommode de chaque situation et n’épargne rien ni personne. Chef-d’oeuvre de noirceur, le film de Na Hong Jin semble cristalliser tout ce que le film de genre coréen a pu nous offrir de meilleur ces dernières années. A la fois chronique sociale, polar tragi-comique et film d’épouvante, The Strangers navigue entre les genres avec une justesse étourdissante. Si l’on pense au génial Memories of Murder durant la première heure dans la capacité que le film a à nous faire rire dans un contexte lugubre, Na Hong Jin nous emmène ensuite vers les terrains plus glissants du film de possession démoniaque. Le cinéaste coréen lorgne à ce propos du côté du grand William Friedkin, L’Exorciste en tête. Car les deux films ont de nombreuses thématiques en commun, la contamination par le mal tout d’abord puis la spiritualité comme rempart fragile aux travers et vices de l’être humain et montre le foyer familial comme terreau idéal de la propagation démoniaque.
The Strangers: Un policier (Do Won Kwak) face à l’inexplicable.
Et c’est dans la destruction interne du noyau familial que le film fait le plus mal. Quand la fille du policier se retrouve affectée par une souffrance non-identifiable, le combat de ce dernier devient véritablement bouleversant. Ne versant pas non plus dans un sentimentalisme exacerbé, The Strangers touche au coeur son spectateur qui souffre de voir le protagoniste mener cette lutte si injuste pour sauver son enfant. Na Hong Jin effectue également un travail remarquable sur l’atmosphère et la lumière, à la fois crépusculaire et mortifère. Le tout est également sublimé par une bande originale anxiogène qui rappelle les grandes heures des compositions horrifiques. Mais là où le film se distingue d’autant plus du tout-venant est dans sa capacité à établir des îlots de légèreté dans cet océan de noirceur. Doté de séquences hilarantes, le film laisse par moment respirer son spectateur pour ensuite mieux le faire replonger dans les abîmes de l’enfer. Le récit se révèle totalement imprévisible et ne cesse jamais d’emprunter des chemins annexes pour aboutir au final à une sorte de film-somme que l’on pourrait aisément qualifier de définitif. Sidérant de maitrise, The Strangers s’impose d’ores et déjà comme l’un des meilleurs films de cette année. Le film porte la marque des grands films d’horreur, proposant un spectacle ludique et attrayant tout en distillant des thématiques fascinantes. Un futur classique en somme.