Pierrot le fou, amoureux et révolutionnaire de la Nouvelle Vague.
Ferdinand Griffon aime Marianne, et Marianne aime Ferdinand, mais elle l’appelle Pierrot. Il laisse tomber sa femme, la suit, dans une cavalcade avec des fusils, des stations essence Total, des évocations de la guerre du Vietnam, pour un amour passionnel, qui se sait tragique dès le départ.
Des films de Godard, Pierrot le Fou est l’un des rares à être accessible, mais surtout le film où sa recherche formelle et conceptuelle sur le son et l’image se marie à une histoire d’amour sans précédent, empreinte d’une poésie peu égalée au cinéma.
Jamais des corps n’auront bougé avec tant de grâce à l’écran, évoquant une liberté que plus personne (et peut-être encore moins maintenant) n’oserait s’accorder. Affranchissement total : de l’argent, des convenances, du matérialisme. Cette liberté de mouvement est d’autant mieux chorégraphiée qu’elle est portée par une caméra large, glissant dans de longs plans aérés aux couleurs éclatantes.
Godard réussit à faire passer ses idées essentielles sur le cinéma (mise en abyme de la représentation, détachement de la fiction ou jeu de couleurs formel) mais aussi à faire se rencontrer la trivialité et la poésie. La violence est omniprésente, bien que distancée (le sang est d’un rouge toujours trop faux), et si le couple gambade sous les arbres, nourris dans leur idylle d’amour et d’eau fraiche, ils sont également des arnaqueurs sans scrupules, dernier maillon de cette société qu’ils rejettent.
Pierrot le fou se déploie donc, film fascinant qui captive le spectateur. Celui-ci pressent l’inéluctable tragédie du couple et la craint, se laisse porter par un romantisme éblouissant, nourrit de Rimbaud, de peinture de la Renaissance et de chansons, et ne cesse d’être surpris par le montage audacieux.
Enfin, le message porté sur la banalisation de la violence et le désarroi du cinéaste face à une société sans rêves résonnant avec force à notre époque, font de Pierrot le fou un film encore si moderne cinquante ans après.