Listen Up Philip

Un film intrigant de Alex Ross Perry, mais qui n’atteint pas la force de son précédent effort. ♥♥♥

Le mumblecore est un mouvement qui prend de plus en plus d’ampleur aux États-Unis, mais qui peine à trouver une distribution digne de ce nom de ce côté-ci de la frontière. Même si Joe Swanberg a tourné avec Anna Kendrick ou Jake Johnson, les noms de Andrew Bujalski, Aaron Katz ou Lynn Shelton demeurent encore largement méconnus hors du circuit des cinéphiles les plus dévoués. Le dernier film d’Alex Ross Perry, Listen Up Philip, présenté à Pop Montréal et au Centre PHI, a peut-être des chances d’élargir la base du mouvement, notamment grâce à la présence des (excellents) Jason Schwartzman, Elizabeth Moss et Jonathan Pryce au générique.

Dans le film, Schwartzman interprète un auteur antipathique au possible qui attend la publication de son second roman. Indifférent avec sa copine (Moss), il trouvera dans son idole (Pryce) un alter ego  identique qui le confortera dans son narcissisme absolu.

Dès les premières minutes, Ross Perry reprend la où le fulgurant The Color Wheel avait laissé 3 ans plus tôt. Les réparties sont rapides, vives, et l’ensemble des personnages est antipathique au possible. Le spectateur non-initié sera sans doute secoué et confronté de ne trouver aucun point de repère tant l’identification, la compréhension ou l’empathie envers le personnage principal (et bon nombre de ses acolytes) est impossible. Les personnages agissent de façon quasi non fonctionnelle en société et le spectateur est toujours en retrait, avec une incompréhension totale face à ces agissements.

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Comme les personnages dans le film, le  spectateur n’a d’autres choix que d’endurer le personnage de Philip et une fois la conversation (le film) terminée, passer à autre chose en laissant la folie égocentrique de Philip désespérément seule. C’est ce qui caractérise l’idiosyncrasie de Ross Perry, qui n’a pas l’urgence d’un Swanberg ou la profondeur philosophique d’un Bujalski ; il ne lui reste que ses personnages, son écriture si unique et particulière, à laquelle se raccrocher. Cette méthode est à prendre où à laisser. Reste que lui et ses compatriotes ont malgré cela (et malgré eux ) formé un mouvement (dont ils se réclament, en tant que « mumblecorpse ») avec trois bouts de ficelles et continuent d’en peaufiner l’évolution

La structure du film est divisée comme un roman (à l’image de l’occupation du personnage principal) ; le tout est découpé en segment, en chapitre, entrecoupé de narration neutre, à la troisième personne (chose rare, voire impensable au sein du mumblecore). En effet, contrairement à beaucoup de ses compatriotes, on sent chez Ross Perry un désir de s’éloigner du mouvement mumblecorien (proche du Dogme95 à certains égards) grâce aux moyens mis à sa disposition. On sent aussi certaines concessions dans la mise en scène (fluide et propre, plus soignée et anonyme) autant que dans la trame narrative (le personnage de Jason Schwartzman tempère dans le dernier tiers, chose impensable dans l’œuvre précédente du cinéaste, qui semble tenter d’amadouer plutôt que de confronter le spectateur). Ce qui était la force puissante dans The Color Wheel devient ici une œuvre intéressante d’un auteur en évolution, dont nous sommes autant intrigués qu’inquiets de voir la suite.

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