Pour cette 24e édition du Festival international de films Fantasia cette année, qui s’est déroulée en majeure partie en ligne, j’ai eu l’occasion d’y voir quelques films dont les longs-métrages de fiction 2011 du québécois Alexandre Prieur-Grenier, le déchaîné Fried Barry du Sud-Africain Ryan Kruger ainsi que le documentaire de la marge Texas Trip – A Carnival of Ghosts du duo de réalisateurs français Steve Balestreri et Maxime Lachaud.
Texas Trip – A Carnival Of Ghosts
France, 2020
★★★ 1/2
Le duo de réalisateurs français Steve Balestreri et Maxime Lachaud offre leur premier long-métrage documentaire extrêmement original dans lequel s’entrecroisent des témoignages et performances d’artistes de musiques alternatives et underground très marginaux.
Le film débute avec plusieurs images de ciné-parc, certains encore ouverts, d’autres complètement oubliés. On y intègre des images de décors et de lieux abandonnés ou parfois, on aperçoit les contours d’une personne masquée. Des images projetées sur ces nombreuses toiles défilent devant nos yeux, à la manière d’un zapping télévisuel. Le film nous introduit ensuite à « [cette] génération d’Américains, conçus par leurs parents sur le siège arrière d’une Chevrolet un soir de sortie au ciné-parc du coin, nourris à la bouteille d’images de cinéma d’exploitation, de monstres et de peurs, se battent à présent contre les normes sociétales et une vie de servitude féodale » (Fantasia).
« It’s a question that I ask myself more and more: why is any artist feel the need to sell their work? Why they feel the need to get approval from other people to create? ». C’est en errant dans sa ville que l’un des artistes les plus singuliers du film nous introduit à sa vision de l’art. Au travers de ses performances de musique live où les sons sont davantage mis de l’avant que les mélodies, il perce d’une longue aiguille filée ses lèvres et ses joues jusqu’à les coudre ensemble. Cette vision atroce de ce visage mutilé est projetée simultanément sur un écran géant. C’est probablement ce qu’on appelle de l’art radical.
Le documentaire Texas Trip est fascinant tant pour sa lenteur qui nous plonge dans une ambiance unique, que par la singularité de ses personnages et sa structure non linéaire, mais plutôt organique. Un film à voir avec beaucoup d’attention.
» 2011
Québec, 2020
★★ 1/2
Alexandre Prieur-Grenier signe ici un 2e long-métrage indépendant (son premier étant Inbox en 2015). Indépendant signifie souvent tourné avec les moyens du bord. 2011 n’y échappe pas. La qualité cinématographique n’est pas toujours au rendez-vous, probablement faute de moyens. Or, ce n’est pas les idées et les expérimentations stylistiques qui manquent dans ce film. Le réalisateur et son directeur photo Jean-Benoît Duval s’amusent avec la caméra. Au début, on peut peut-être y avoir une impression d’amateurisme, mais plus on avance dans le film, plus leurs expérimentations stylistiques nous réjouissent.
Dans son modeste et petit appartement, un jeune monteur tente difficilement de terminer un film sur lequel il travaille, ralenti par un voisinage bruyant, une nouvelle copine, quelques fantasmes de girl next door et un réalisateur qui change constamment d’idée. La fatigue finit par s’emparer de lui, le transportant ainsi dans un cauchemar éveillé où la paranoïa devient sa compagne de route.
Dans ce huis clos de science-fiction expérimental, l’ambiance est créée par un jeu de lumières colorées et contrastées ainsi qu’une trame sonore de sons modifiés. L’atmosphère devient rapidement anxiogène, stimulée par une caméra souvent wide angle qui suit le visage du personnage de près. Le scénario est parfois chambranlant et éparpillé, proposant peut-être un peu trop de pistes narratives, rendant ainsi le suspense un peu moins efficace. Or, la sensation d’amateurisme, suggérée par l’esthétique et certaines performances d’acteurs, s’estompe lentement et laisse place à un espace où les nombreuses expérimentations esthétiques deviennent la valeur première du film. Tant au niveau des mouvements de caméra qu’au niveau sonore, le film d’Alexandre Prieur-Grenier se donne une liberté créative que l’on retrouve peu dans le cinéma québécois, ce qui est pour le spectateur plutôt réjouissant.
» Fried Barry
Afrique du sud, 2020
★★★
Premier long-métrage du réalisateur sud-africain Ryan Kruger, ce film d’horreur-comédie-fantastique-expérimental, aux allures partagées entre vidéoclips métal-trash et production de série B américaine, fait vivre au spectateur une expérience unique et dérangeante.
Rapidement introduit comme un mauvais père de famille, taré, lunatique, drogué et alcoolique, Barry, ce cinquantenaire au visage assurément singulier, se fait capturer par des extraterrestres. Se servant du corps de Barry pour découvrir la vie humaine, cet envahisseur se laissera emporter dans un tourbillon de rencontres improbables, issues d’un univers post-apocalyptique d’alcooliques, de criminels, de bars et de sexe.
Fried Barry est un film qui demande une grande ouverture, car il est très inégal. On a parfois le sentiment d’un film inachevé (le son des dialogues est de mauvaise qualité et mal mixé) et à d’autres moments, on a le sentiment d’être face à quelque chose d’extrêmement réussi (la plupart des effets spéciaux sont fascinants). La performance de Gary Green qui incarne Barry est incroyable. Il retient autant ses émotions qu’il les laisse s’exprimer par son visage, ce qui est particulièrement réussi. Par ailleurs, le film nous plonge dans un univers très trash, autant dans les sujets qu’il exploite que dans la signature visuelle très éclatée. Assurément, le spectateur devra être conciliant, mais se retrouvera peut-être devant un objet vraiment underground.