Cemetery of Splendour s’inscrit dans la continuité remarquable du cinéma d’Apichatpong Weerasethakul.♥♥♥♥
Avec Cemetery of Splendour, le désormais incontournable cinéaste chouchou des amateurs de cinéma d’art et d’essai Apichatpong Weerasethakul signe sa première œuvre depuis le bien palmé Oncle Boonmee – Qui se souvient de ses vies antérieures, présenté en 2010 au Festival du Nouveau Cinéma. Avec entre-temps une poignée de courts-métrages et même un documentaire (Mekong Hotel) qui nous ont permis de confirmer que l’élargissement de son bassin d’admirateurs n’avait pas compromis sa démarche unique, la projection de Cemetery of Splendour au dernier Festival de Cannes a permis à ses amateurs de plus en plus nombreux de retrouver leurs repaires dans un nouvel univers unique et atypique dont lui seul a le secret.
Dans Cemetery of Splendour, Weerasethakul nous raconte l’histoire de quelques soldats frappés d’une étrange maladie qui leur fait passer endormie la quasi-totalité de leur temps. Tourné en huis-clos dans un hôpital et ses environs, nous suivons Jenjira (habituée de Weerasethakul) qui se liera particulièrement avec l’un de ses soldats dont elle prendra soin entre les rares moments qu’il passe éveillé.
Cemetery of Splendour : beauté ordinaire
Comme à l’habitude, la prémisse narrative atypique attire toujours l’œil des curieux et ceux qui connaissent Weerasethakul ne seront pas dépaysés par le traitement préconisé par le cinéaste thaï. Rêves, Cauchemars, hallucinations et fantasmes sont au rendez-vous. Ajoutez à ce curieux duo une jeune femme voyante qui lie dans les rêves des soldats endormis et vous avez un monde calqué sur l’univers weerasethakulien. Les nombreux moments de flottements quasi surréalistes, illustrés magnifiquement par une salle lumineuse et psychotonique, sont mis en parallèle avec le quotidien brut des soldats : uriner, déféquer, manger… D’un côté comme de l’autre toutefois, la représentation est en totale retenue comme dans tout bon film de Weerasethakul. Le simple ton de voix de ses personnages invite toujours à la réflexion, à l’acceptation et la contemplation et jamais on ne sombre dans le spectacle narratif ou formel.
On reconnaît ainsi le talent et la signature si attachante de Apichatpong Weerasethakul. S’inscrivant dans la mouvance la plus contemplatrice du cinéma d’art et d’essai contemporain, Cemetery of Splendour constitue un nouveau trait au cœur d’un corpus essentiel. C’est un exploit autrement remarquable puisqu’il ne s’inscrit même pas parmi les meilleurs moments du cinéaste. En effet, le choc que tout cinéphile a pu avoir en découvrant pour la première Blissfully Yours, Tropical Malady ou Syndromes and a Century n’est plus aussi brutal. Nous avons néanmoins devant les yeux l’un des bons films de l’année, ce qui témoigne surtout du talent et de la qualité soutenue des films qu’Apichatpong Weerasethakul produit depuis 20 ans.