Je suis Femen

Un film qui divise et cultive l’ambiguïté, à l’image du mouvement qu’il représente.♥♥♥

Comment nait la révolte? Comment peut-on concrétiser son idéalisme? C’est le genre de questions auxquelles s’attaque Alain Margot dans son documentaire Je Suis Femen qui s’intéresse au parcours d’Oxana Shachko, l’une des fondatrices du mouvement Femen qui est de plus en plus connu de notre côté de l’Atlantique. De son adolescence tourmentée qui la fera entrer au couvent à ses années de radicalisation dans le mouvement Femen, Alain Margot suivra tout doucement le parcours de la jeune militante dans ses engagements et ses idéaux comme dans ses doutes et contradictions.

Le choix d’avoir décidé de suivre une seule des figures de proue du mouvement s’avère au départ très pertinent, surtout que la jeune Oxana Shacko a un parcours hors du commun (d’un appartement délabré en Ukraine à l’exil en passant par les écoutes électroniques et les tensions internes), elle représente avec un aplomb et une intelligence remarquable un mouvement qui est loin de faire l’unanimité, même au sein du mouvement féministe.

On va ainsi être témoin de la vie et de l’évolution d’Oxana dans ses bureaux de l’organisation, avec sa mère (fidèle partisane dont elle est très proche), ses confrères Femens (qui sont loin d’être aussi soudés que l’on pourrait le croire) et les (nombreuses) actions du collectif. En effet, le réalisateur va suivre le mouvement à de (trop) nombreuses reprises et préférera trop souvent laisser parler les actions que celles qui les effectuent. Lors des actions militantes, la caméra délaisse son sujet pour s’intéresser au mouvement, mais comme le réalisateur ne cherche pas à aller beaucoup plus loin que l’aspect spectacle de la nudité et des slogans scandés à tue-tête, il joue malheureusement  le jeu des critiques fréquemment adressées au mouvement par ses choix de mise en scène soit un certain radicalisme ou un manque de concession et atténue ce qu’il mettait en place lors des entretiens individuels.

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Reste que le réalisateur illustre habilement les questionnements et contradictions du mouvement Femen dans l’ensemble. Alors que plusieurs militantes affirment que l’utilisation de leur corps et de leurs seins permet d’attirer l’attention (des médias) sur eux, nous voyons systématiquement une ribambelle de badauds prendre photos et vidéos de chaque parcelle de peau dénudés à toutes les actions ce qui nous laisse perplexe à savoir si l’intérêt des médias se porte au fond davantage sur les seins dénudés que les messages dévoilés et qu’au final, les actions irritent simplement leurs détracteurs et prêchent aux convertis. Dans une sorte de vidéoclip musical où les corps qui se dénudent s’enchainent l’un après l’autre, on en vient à se demander si nous ne sommes pas dans un épisode d’Alerte à Malibu… Le réalisateur cultive l’ambiguïté sur sa façon de mettre en scène qui est à la limite du bon goût à certains moments et cette zone grise est aussi intelligemment cultivée qu’agaçante.

Le film demeure néanmoins une illustration neutre assez réussie de l’une des figures de proue du mouvement Femen, mais un peu moins réussie dans le portrait d’ensemble du mouvement. Au final, il est clair que le choix d’Oxana allait de soit, autant par son éloquence que la profondeur de son engagement, qui est loin d’être partagé par toutes les participantes. Comme les actions des Femen peuvent avoir tendance à le faire, le film aura au moins le mérite de faire parler du mouvement, reste à savoir si ce sera pour les bonnes raisons…

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