We come as friends

Un autre film puissant de Hubert Sauper sur les monstruosités du postcolonialisme en Afrique.♥♥♥♥

Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies – Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme.

Pour le colonisé, la vie ne peut surgir que du cadavre en décomposition du colon – Frantz Fanon, les damnés de la terre.

S’accepter comme colonisateur, ce serait essentiellement […] s’accepter comme privilégié non légitime, c’est-à-dire comme usurpateur. L’usurpateur, certes, revendique sa place et, au besoin, la défendra par tous les moyens. Mais, il l’admet, il revendique une place usurpée.  – Albert Memmi, Portrait du colonisé.

Vous savez bien que nous sommes des exploiteurs. Vous savez bien que nous avons pris l’or et les métaux, puis le pétrole des « continents neufs », et que nous les avons ramenés dans les vieilles métropoles –  Jean-Paule Sartre, Citation V

Ils ont été nombreux, les auteurs célèbres, à dénoncer les saloperies du colonialisme. Mais il faut croire que nous n’avons pas encore compris. C’est pourquoi, 10 ans après Le Cauchemar de Darwin, Hubert Sauper nous enfonce encore une fois dans la gorge des évidences que nous nous refusons à voir. Avec We Come as Friends, Sauper continue sa dénonciation virulente du postcolonialisme en Afrique tel que pratiqué sans scrupule ni remords par l’occident comme l’orient.

Après avoir fabriqué un avion (rien que ça), Sauper s’est envolé de l’Europe à l’Afrique pour se rendre au Soudan. Sur les lieux en plein référendum pour l’indépendance du Sud-Soudan, il viendra témoigner de la situation des peuples soudanais et sud-soudanais, se retrouvant face à la décolonisation comme au post colonialisme. Dans un monde en effervescence, la vie de tous les jours des peuples soudanais sera mise en opposition avec le tourbillon de la vie nationale.

Les Américains, les Asiatiques, les Organisations internationales, tous sont présentés sans filtre sous la caméra de Sauper. Le colonialisme est une machine infernale dont on ne se débarrasse pas si facilement. Parlez-en aux Sud-Soudanais qui ont réussi après de sanglantes guerres à obtenir leur indépendance du Soudan et d’une frontière artificielle crée par les Blancs. Au colonialisme succède le néocolonialisme; les Blancs sont toujours présents, pour exploiter les ressources, ‘’encader’’ la politique ou la finance. Les compagnies chinoises viennent drainer les ressources avec l’aide de leurs travailleurs. La nation néocoloniale, si elle est chanceuse, se verra graciée de 3 emplois de concierges et 2 de gardiens de sécurité.

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Sous l’emprise postcoloniale parallèle, l’ex-colonisé se voit refusé son idée, imposer les valeurs de l’ex-colonisateur. À la violence et aux coups, succèdent les prédicateurs évangéliques. On se croirait au 16e siècle en Amérique latine, mais nous sommes bien au Sud-Soudan en 2010. On vient habiller, éduquer et surtout, convertir les populations en place, sans aucun respect ou considération pour les traditions et leurs cultures. On leur refuse bijoux et habits traditionnels; on croit par définition nos valeurs et notre mode de vie au-dessus du leur. Un soldat dira ainsi, plein de bonne volonté, que ‘’ s’ils sont 200 ans en arrière de nous, il doit avoir une raison’’. Et voici bien la base de toute relation postcoloniale : non pas nous contre eux, ou nous avec eux, mais nous versus eux.

Le colonisateur ne vient pas en Afrique pêcher un poisson ou se servir dans les lacs fertiles, il vient pomper l’eau et laisse les poissons morts derrière. Sauper ne fait qu’exposer une évidence, en se faisant tout petit, bien conscient que son sujet le dépasse mille fois. Jamais il ne viendra victimiser à outrance ou dénoncer en surface; il vient plutôt démontrer toute l’étude et la complexité du système coloniale en Afrique qui n’a jamais été réglée. Les Blancs sont venus chercher les richesses, créer des problèmes et sont partis en le laissant derrière eux. Étouffée à gauche par l’Amérique et à droite par la Chine, l’Afrique n’a dorénavant qu’un seul salut, inévitable, s’élever vers le haut, libre et affranchie de toutes les chaines et entraves du colonisateur.

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