Québec, 2022
Note : ★★★
La quatorzième œuvre signée Denis Côté se distingue par son concept et sa forme qui défient les conventions. C’est dans un environnement bucolique et en pleine nature, que trois femmes (Aude Mathieu, Larissa Corriveau et Laura Giappiconi) accompagnées par une thérapeute (Anne Ratte Polle) et un travailleur social (Samir Guesmi), passeront 26 jours à retrouver une synchronie avec leurs corps et leurs pensées.
Un été comme ça livre un discours émancipateur pour les femmes et exploite le médium à son plein potentiel. La caméra n’œuvre pas seulement qu’à servir des desseins esthétiques, mais également des messages moraux. On ne peut nier la pertinence de traiter de la liberté féminine lorsqu’on observe ce qu’il se passe aux États-Unis au niveau de l’interdiction au droit d’avortement. Le réalisateur a produit un film éloquent qui perce le mysticisme entourant la sexualité féminine en la décomplexant.
La forêt, vers une utopie de liberté
Le milieu dans lequel les trois femmes évoluent est symbolique d’une libération progressive et d’une quête d’équilibre. Le son du vent dans l’herbe haute, les grillons de fin de journée, ainsi que l’eau qui clapote meublent cet espace sonore apaisant, en contraste avec les voix et les pulsions sexuelles des trois femmes. La tranquillité qui émane de ces décors verdoyants est symptomatique de cette quête d’équilibre que la société impose à ces jeunes femmes. Cette analogie entre l’univers sonore de la nature et l’aspiration à une liberté se poursuit avec la représentation du corps féminin. Les femmes se fondent dans le décor et se camouflent dans les herbes hautes, derrière les arbres, comme si leur nudité résonnait avec la matérialité des éléments. Une forme de retour à la terre, théorie récurrente dans le cinéma québécois. Ce rapport intime qu’entretient le corps à la nature résonne avec cette récurrente volonté de s’indépendantiser.
Sublimation de la corporalité
Le cadrage qui s’amorce très serré est symbolique de l’effet asphyxiant des pressions exercées sur les femmes. Le gros plan sur le visage qui marque le début du film puis l’agrandissement progressif du cadre représente l’évolution psychologique du cheminement introspectif et la consolidation interpersonnelle qui lient ces trois femmes dans ce domaine agissant presque en huis clos. Les cadres serrés sur les visages mettent l’accent sur les rictus faciaux, plus précisément sur les yeux de Geisha, Léonie et Eugénie.
La caméra ne réduit pas ces corps à des objets ni les sexualise, mais elle les reflète comme étant des moyens de libération et d’émancipation. Les trois protagonistes ont le corps qui traverse leurs états d’esprit, languissant, excité, parfois raidis. Il s’agit de refléter le plus fidèlement possible leur instrument d’indépendance. C’est là où réside l’éloquence du discours; le corps n’est pas une prison et l’hypersexualité des trois protagonistes n’est pas critiquée. Le réalisateur met l’accent sur cette retraite qui permet aux trois femmes de faire la communion entre leurs corps et leurs esprits. Les nombreux plans de corps nu, en plus de témoigner de la justesse de jeu des actrices et de l’acteur, permettent ce processus de désacraliser le corps s’identifiant comme femme. Denis Côté filme avec une caméra tremblotante et instable qui permet de saisir l’authenticité des émotions et de se rapprocher du sujet pour mieux le comprendre. La caméra se fait petite et muette, laissant ses personnages prendre la place qu’ils désirent. Le caractère organique de la pellicule fait écho à cette sensorialité qui émane du film, en plus d’être un excellent choix esthétique.
Un été comme ça a la volonté de revisiter la représentation du corps, de questionner le rapport qu’entretient la société vis-à-vis la sexualité féminine. Le fond est bon, la forme est belle et explore avec douceur un message percutant.
Bande-annonce :
Durée : 137 minutes
Crédits photo : Maison 4:3
Vous aimez le travail de Denis Côté ? Retrouvez ici notre entretien avec le cinéaste pour la sortie de son film précédent Hygiène sociale.