Traversées : Voyage initiatique au cœur du Nunavik

Québec, 2020
Note : ★★★ 1/2

« La seule façon d’y arriver, c’est de croire en votre but et de vous lancer. »

C’est sous le vent du danger que s’amorce le périple mythique de Traversées, premier long-métrage documentaire co-réalisé par le duo de cinéastes et d’aventurières Florence Pelletier et Caroline Côté (L’affront des cimes, 2017 et Qamaniq, 2017), accompagnées par leur acolyte Samuel Trudelle à la direction de la photographie. Durant 77 minutes, le spectateur traverse aux côtés de cinq femmes un parcours de 160 kilomètres à travers le parc Kuururjuaq. Situé dans l’immense Grand Nord québécois, le parc national règne par sa beauté à la fois terrifiante et majestueuse.

Ce voyage initiatique de dix jours nous fait découvrir trois femmes : Dominique Cormier, Christine Bérubé-Martin et Joanna Katrena Cooper, qui sont inspirantes par leur attitude face aux épreuves qui se broussent sur leur chemin. On y découvre aussi la splendeur du Nunavik, territoire mystique et ancestral des Inuits, si peu foulé par les allochtones non-initiés.

Avant d’entamer leur expédition, les réalisatrices sollicitent des conseils auprès de Tivi Evak, un artiste inuit qui est né et qui a vécu sur la terre d’origine de son peuple toute sa vie. Il les met en garde, tel un vieux sage prophète : les changements climatiques, les hautes températures et l’abondance labyrinthique des arbres requièrent plus qu’une bonne planification et une bonne condition physique. Pour mener à terme leur quête, elles devront s’équiper de courage et se préparer pour le tumulte émotionnel que cet appel à l’aventure pourrait leur provoquer.

Au départ, l’inhospitalité de Dame Nature plonge le spectateur et les expéditrices dans l’incertitude et l’appréhension. À mesure que nous avançons dans leur trajet, c’est plutôt la beauté à couper le souffle du territoire et les liens sororaux qui prennent racines entre les héroïnes qui se dévoilent de cette aventure, pour ceux qui auront la sensibilité de les remarquer.

« On est loin de Saint-Denis/Rosemont ».

Capturées de manière contemplative par l’œil des cinéastes, les régions montagneuses de Torngat colorent le long-métrage de leur poésie innée. Ces régions sont, dans certaines légendes innues, habitées par les esprits, qu’ils soient vénérés ou craints. On remarque tout de suite que cette terre a peu été souillée par la présence mercantile de l’Homme. La lune et le soleil brillent à chaque jour de mille feux; les nuages caressent les montagnes, les arbres, et complimentent le ciel dénué de toute pollution; les montagnes sont les seules hautes structures érigées sur le territoire; l’herbe est verdoyante et foisonnante; le sable et la boue sont marqués par les empreintes des ours; l’eau est limpide; le torrent de la rivière et le frémissement des feuilles sont les seuls bruits ambiants; les loups sauvages courent le long des berges. Nul doute : ce décor enchanteur saura enthousiasmer les randonneurs intrépides.

« Cette fille-là est en feu en dedans. »

Les réalisatrices se font discrètes pour mettre en avant plan les trois femmes qui, pour paraphraser Caroline Côté, permettront de donner un sens à la randonnée :

Dominique nous rappelle qu’il n’y a pas d’âge pour sortir de sa zone de confort. Elle est un magnifique exemple de persévérance et repousse ses limites tout au long de la traversée. Cette femme qui se sent comme un « lion en cage » et qui a eu une vie plutôt conventionnelle saura rejoindre toutes celles qui ont la fausse croyance que les rêves et la soif d’aventure ont une date limite.

Christine, d’origine micmac, et Katrena, qui est Inuit, sont des feux d’artifices humains qui célèbrent la force des femmes et l’identité autochtone. Leur complicité sincère, leur rapport à la nature et la façon dont elles apprivoisent la traversée sont touchantes à visionner. Leur attitude positive et leur résilience rayonnent tout au long du documentaire, bien que les fantômes du deuil et de la discrimination les hantent. Elles sont des exemples d’humilité et de courage devant lesquels il est impossible de rester de marbre.

Traversées peut se voir comme une invitation à tout.e aventurier.ère peu importe son âge, son origine ethnique ou le bagage émotionnel qu’il ou qu’elle transporte. S’il y a une leçon à retenir de ce voyage, c’est que pour profiter de l’introspection engendrée par la nature et de ses qualités régénératrices, il est impératif de ne pas céder sous l’adversité. Souvent, sa force intérieure et celle du groupe nous « donnent des ailes » et nous permettent de continuer d’avancer. Il n’y a ni monts ni maux qui ne soient intraversables.

Bande annonce originale:

Durée: 1h17

Crédit photos: Captures d’écran, Traversées

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