États-Unis, 1982
Note : ★★★★★
C’est en juin 1982 que The Thing de John Carpenter débarque sur les écrans de cinéma. Le réalisateur, alors fort de plusieurs succès tels que le désormais célébrissime Halloween (1979) ou les films cultes The Fog (1980) et Escape from New York (1981), signe un premier film avec un grand studio (Universal Pictures) et se voit accorder un budget conséquent. Malheureusement, The Thing ne sera pas le succès escompté et marquera le début du déclin de son réalisateur aux yeux des patrons d’Hollywood.
Plusieurs théories peuvent expliquer un tel échec, la plus populaire étant la sortie du film de Spielberg, E.T (1982), quelques semaines auparavant, présentant lui aussi une histoire d’extra-terrestre, mais sous une lumière bien plus positive et accessible à un grand public. Néanmoins, au fil des années et avec son arrivée en VHS dans les commerces de locations de films, le long-métrage de science-fiction de Carpenter s’érige un culte autour de lui et trouvera, bien des décennies plus tard, la réception critique tant attendue. En effet, il n’est pas rare désormais de voir The Thing se hisser dans les palmarès et listes de meilleurs films d’horreur de tous les temps. Cette place n’est pas usurpée.
Une angoisse cosmique
Premier volet de la trilogie de l’Apocalypse (que compléteront Prince of Darkness en 1987 et In the Mouth of Madness en 1994), The Thing nous plonge dans une catastrophe cosmique aux allures lovecraftiennes. Un groupe de scientifiques dans une base reculée de l’Antarctique découvrent une forme extra-terrestre enfouie sous la glace pendant des dizaines de milliers d’années. L’apparence exacte de cette créature n’est jamais dévoilée. En effet, celle-ci a la capacité d’imiter les formes de vie qu’elle absorbe, prenant tour à tour la forme d’un chien, d’un humain ou d’horreurs indescriptibles aux multiples yeux et tentacules de chair, comme les monstres inimaginables lovecraftiens. Le décor n’est pas sans rappeler Les montagnes hallucinées (1936) de H.P. Lovecraft, roman racontant l’histoire d’un groupe de scientifiques faisant la découverte, eux aussi, d’une créature millénaire et horrifique en Antarctique. Pourtant, le film de Carpenter trouve son origine dans une autre œuvre littéraire ; Who Goes There ? (1938) de John W. Campbell. Une adaptation du roman verra le jour en 1951 sous la forme du film de science-fiction de série B nommé The Thing from Another World, auquel paiera d’ailleurs hommage Carpenter à de multiples reprises, dans sa propre adaptation en reprenant des décors hautement similaires et la même typographie pour le titre, mais aussi dans son film Halloween lors duquel des personnages l’écoutent sur un écran de télévision. La version de 1982 sera d’ailleurs plus fidèle au livre d’origine dans lequel la créature peut également prendre l’apparence et les souvenirs de ses victimes, contrairement à la bête humanoïde de la version de 1951, rappelant la créature de Frankenstein par sa carrure et sa manière de se déplacer les bras en avant. L’aspect angoissant du film de Carpenter tient à sa fidélité au modus operandi dégoûtant de son antagoniste, mais surtout grâce à l’atmosphère que respire chaque once du long-métrage. L’ambiance qui s’installe peu à peu dans le camp est véritablement oppressante alors que chacun commence à soupçonner l’autre d’être la chose et qu’une tempête de neige les confine à l’intérieur, plongeant le camp dans l’obscurité et le froid polaire, l’un après l’autre ils succombent au monstre venu d’un autre monde. The Thing est profondément terrifiant non seulement à cause de son horrifiante créature, mais surtout par le drame humain au centre de tout. Des camarades se tournant les uns contre les autres et allant jusqu’à utiliser la violence, perdant leur humanité dans le processus, littéralement en se faisant absorber par la créature et figurativement en sombrant dans la paranoïa la plus totale. C’est l’humain confronté à l’inexplicable, mais c’est surtout l’humain confronté à lui-même. Néanmoins, ce qui a fait de The Thing le film culte que l’on connaît aujourd’hui relève d’aspects plus techniques.
L’horreur palpable et dégoulinante
On peut parler de la musique lourde et oppressante, née d’une collaboration entre John Carpenter, lui-même compositeur de musique, et du maître Ennio Morricone (injustement nommé aux Razzie Awards pour sa contribution), ou des performances chaotiques, mais maîtrisées des acteurs, menés par le charismatique Kurt Russell et le grand Keith David, mais ce qui vend l’horreur ici, et qui continue à la vendre des décennies plus tard, ce sont les effets spéciaux et les design de Rob Bottin. Les apparitions de la chose sont toutes plus mémorables les unes que les autres, et cela malgré leur nombre restreint. Elles sont horrifiantes et dégoûtantes, mais elles sont aussi bien présentes, palpables. Le travail colossal pour manipuler ces marionnettes et le dévouement de l’équipe d’effets spéciaux pour créer de réelles bestioles dégoulinantes sont impressionnants. Le jeu en valait cependant la chandelle, car même aujourd’hui on y croit toujours. En comparaison avec les effets en CGI qui deviennent rapidement obsolètes, les animatroniques et les marionnettes sont intemporelles. Les formes monstrueuses de la chose sont tout aussi effrayantes qu’elles l’étaient il y a 40 ans. L’horreur est physiquement présente et elle semble pouvoir sortir de l’écran, pour nous absorber nous aussi…
The Thing a trouvé sa place à travers les années parmi les projections de minuit, les programmations d’Halloween et dans les ciné-clubs du monde entier. Son influence se fait ressentir dans de nombreuses productions, telles que l’épisode Ice de la première saison de X-Files ou la série Stranger Things, le jeu vidéo Among Us ou le film Hateful Eight de Quentin Tarantino, reprenant Kurt Russell, une bande sonore de Ennio Morricone (avec certains morceaux ayant été composés pour The Thing mais ayant été abandonnés) et un scénario similaire. Le film de Carpenter n’a pas fini de faire parler de lui.
Bande-annonce :
Durée : 1h49
Crédit Photos : Universal Pictures
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