Spencer : Fable d’une princesse troublée

États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Chili 2021
Note : ★★★★

Si vous espérez voir un film biographique qui retrace les moments marquants de la vie de la princesse Diana, vous serez déçu. Notez cependant que l’œuvre n’a rien de décevant. Pablo Larraín (Jackie, Ema, ) signe avec Spencer son 9e long-métrage et il s’agit certainement de sa réalisation la plus aboutie.

Le récit s’échelonne du 24 au 26 décembre dans les années 1990. Voilà ce qu’on nous présente : trois jours dans la tête de la célèbre princesse. Trois jours où l’audience constate que son mariage est en déclin. Trois jours accablants où la souffrance et la torture mentale animent la jeune femme. Confinée à incarner la perfection, elle tente tant bien que mal de retenir sa douleur. Larraìn dépeint en effet un portrait dur et troublant de Diana, mais ô combien nécessaire.

En ouverture du film, on indique qu’il s’agit d’une fable inspirée d’une tragédie. Par définition, on reconnait la fable comme étant un récit qui comporte une morale et bien souvent des protagonistes emblématiques s’apparentant au Moyen-âge. Par conséquent, concevoir ce film comme une fable est une perspective fort intéressante. On retrouve bel et bien une princesse, un prince, une reine et probablement une morale. Il ne faut donc pas s’attendre à une montée dramatique à tout casser. Le scénario nous transporte plutôt dans une mélancolie horizontale bien articulée. En ce qui concerne la tragédie, le public est finalement libre de l’interpréter : drame familial à Noël ou fatalité qui s’en suit?

Qui est Spencer? C’est le nom de Diana avant son mariage avec le prince Charles. C’est son nom de jeune fille. C’est le symbole de son identité propre avant la présence de la famille royale dans sa vie. Spencer va dans les zones d’ombre, celles dont la monarchie britannique ne souhaite plus entendre parler. Le film nous le fait bien comprendre, les eaux troubles de la princesse reposent sur la combinaison de la boulimie, de l’anxiété sévère et de la paranoïa. Ce triplé rudement vécu par Diana est exacerbé par le contexte monarchique auquel elle est confrontée. On ne fait pas que voir sa souffrance, on la ressent aussi. Larraìn est parvenu à créer des scènes qui flirtent avec l’horreur et l’angoisse. C’est ainsi que les sentiments perturbés de la princesse nous traversent et laissent un goût amer.

Bien que Kristen Stewart (Personal Shopper, Certain Women, Clouds of Sils Maria) ne fasse pas l’unanimité chez les cinéphiles, sa performance dans Spencer ne fait nul doute. L’actrice porte le film à elle seule et le fait brillamment. Stewart traduit de manière sincère le portrait de la princesse. Ce n’était pas une tâche facile d’interpréter ce personnage bouleversé ; le long-métrage transporte son auditoire dans la stupeur, la panique, l’amertume, mais également la joie. Les émotions de Diana sont palpables et changeantes, magnifiquement incarnées par l’actrice. Ce ne serait d’ailleurs pas étonnant de voir Stewart en nomination dans les grands galas de cinéma cet hiver.

La réalisation et la composition de l’image sont impeccables et traduisent adéquatement la détresse intérieure de l’héroïne. Larraìn opte pour un éclatement du contenant qui évoque la perturbation du contenu. La princesse cherche à retrouver son équilibre, à retrouver son souffle. Et nous aussi.

 

Bande annonce :

Durée : 1h51
Crédit photos : Entract Films

 

Découvrez ici notre critique d’un autre film réalisé par Pablo Larraìn, Neruda.

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