Un retour attendu et réussi pour Jonathan Glazer. ♥♥♥½
Il y a quelque chose de mystique autour de Jonathan Glazer et de son dernier film, pas seulement au niveau de la thématique évidente, mais de tout ce qui l’entoure. Il aura fallu en effet 10 après l’unanimement célébré Birth pour que nous ayons droit à une nouvelle offrande du réalisateur britannique. Alors que le projet fut en gestation pendant pratiquement tout ce temps, les spéculations cinéphiliques allaient bon train et on espérait presque plus ce nouveau film tant nous étions convaincus d’assister à une émule réclusive malickienne version 2000. Mais l’attente a toutefois porté ses fruits…
Under the Skin joue dans les contrastes : l’ombre et la lumière, le noir et le blanc, la vie et la mort… Hermétique par moment, mais aussi furieusement libre, même la séductrice et mystérieuse Scarlett Johansson venue d’un autre monde est incernable aux yeux du spectateur. Tour à tour envoutante, inquiétante, sensuelle, elle est pour le spectateur la même figure qu’elle est pour les hommes qu’elle croisera tout au long de sa route. Sorte d’alter ego à son personnage dans Her de Spike Jonze sorti plus tôt cette année, son emprise n’en est pas moins aussi forte.
Elle incarne une créature, une assaillante, venue d’un autre monde qui prend la forme d’une femme afin de séduire les habitants terriens pour mieux s’en emparer pour les besoins de son corps comme la survie de son espèce. Cette nécessité vitale et cette aura séductrice sont affichées par de puissants leitmotivs qui constituent indubitablement les moments les plus puissants du film alors que les hommes sont simplement tribaux, béats, abasourdis par la force sensuelle de la pulpeuse starlette. Plutôt que de distinguer le terrien comme supérieur et raisonné, Glazer fait le pari d’inverser les rôles et apparences de créatures et d’humains. Ces ambiguïtés savamment cultivées sont le point de départ de ce qui est moins une théorie conceptuelle qu’une immersion sensorielle.
Situé dans une Écosse brumeuse, pluvieuse et magnifique, le film aurait rapidement pu sombrer dans l’exercice de style froid et chirurgical, dénué d’humanité, si ce n’avait été de l’idiosyncrasie écossaise qui est saupoudrée habilement tout au long du film du film afin de redonner un peu de vie à ces personnages qui en semblent privé. La rencontre de l’héroïne avec un genre d’Elephant Man nouveau genre dans l’une des tensions dramatiques les plus fortes du film, est également mémorable alors que les soubresauts de tendresse de Scarlett Johansson avec un personnage qui percera sa carapace sont révélateurs de la complexité de son jeu et nous rappelles que rares sont les réalisateurs qui ont su lui donner des rôles à la hauteur de son talent.
Si l’intrigue brouillée et floue fait en sorte que le spectateur aura de la difficulté à s’imprégner du récit, celui qui acceptera les règles du jeu de Glazer (qui s’inspire de celles de Malick ou Kubrick à plus d’une reprise) sera plongé dans une ambiance inquiétante menée de main de maître. On oublie rapidement l’attente qu’il aura fallu pour découvrir cette nouvelle œuvre et on espère que cette période transitoire lui aura été salutaire pour que, à la manière de Malick, il se fasse plus présent dans les années à venir.