Avec Shelley, Ali Abbasi transige entre deux genres et au final, déçoit dans l’un et dans l’autre. ♥♥½
Elena est mère monoparentale, sans le sou et au bord d’un épuisement chronique. Elle ressent le besoin de prendre du recul en fuyant le train-train dans lequel elle étouffe. Un changement de décor s’impose, surtout si le décor en question pourrait être une petite maison campagnarde située loin de la grande ville. Lorsqu’elle apprend qu’un couple recherche une gouvernante pour entretenir leur résidence en forêt, elle saute sur cette offre qui lui semble tombée des cieux. Arrivée sur place, Elena constate que ses employeurs ont un mode de vie plus ou au moins inhabituel. Ils ne consomment pas de viande, ne font pas usage de l’électricité et limitent les contacts avec le monde extérieur. Son contrat étant d’une durée de trois ans sans possibilité de quitter son nouveau logis, la jeune femme se plie à ces règles sans se plaindre. Il faut dire qu’elle trouve enfin la tranquillité qu’elle recherchait. Or, ses patrons ont une dernière faveur à lui demander. Incapables d’avoir un enfant, ils souhaiteraient qu’Elena porte leur progéniture. Contre une belle somme, évidemment. Attendrie par l’affection et la générosité de ses maîtres, elle accepte sans se douter que son existence va basculer vers une horreur sans nom. Rapidement, Elena perçoit des signes inquiétants laissant présager que ce qui sommeille en elle n’a rien d’humain…
De drame intimiste à épouvante, il n’y a qu’un pas comme nous le démontre Ali Abbasi dans Shelley. Si le look de ses actrices principales et le caractère dépouillé d’un drame aux accents naturalistes rappellent rapidement Ingmar Bergman, nommément Persona, Abbasi nous fait rapidement plonger dans une inquiétante étrangeté sortie tout droit de Roman Polanski, Rosemary’s Baby en tête de liste. L’utilisation judicieuse du son permet de bien amener le caractère inquiétant, parfois franchement terrifiant, dans l’esprit du spectateur au compte-goutte.
Crédit photo: Bloody Disgusting
Quand l’élève ne peut suivre le maître…
Shelley manque cependant cruellement de direction et de maîtrise pour véritablement garder le spectateur accroché à ces personnages marginaux. L’équilibre qu’Ali Abbasi tente d’instaurer ne réussit pas à se maintenir durant la deuxième portion du récit et certaines scènes un peu forcées peine à nous garder accrocher. Abbasi, qui ne possède pas la maîtrise des maîtres auxquels il se réfère (ce qui ne lui est pas demandé), semble dépasser par son sujet et cela transparait à mesure que le récit progresse . Dommage, car le premier acte nous laissait espérer le mieux.
*Shelley sera de nouveau présenté le 2 aout à 19h30 à la salle J.A. De Sève.
Cette critique a été écrite dans le cadre du Festival International de films de Fantasia.