États-Unis, 2019
Note : ★
La franchise horrifique The Grudge est désormais une figure iconique du cinéma horrifique. Ses situations glauques et ses apparitions fantomatiques terrifiantes ont su marquer une génération amoureuse du cinéma de genre. Ayant d’abord pris naissance au Japon grâce au réalisateur Takashi Shimuzu en 2002 avec Ju-On, la franchise renaît aux États-Unis en 2004 avec The Grudge, le temps de trois films, dont les deux premiers furent réalisés par son créateur original. Il aurait été logique de penser qu’après le troisième chapitre américain, tourné par un réalisateur différent et sorti directement en vidéo, que la franchise ait pris sa retraite. Or, que serait un classique de l’horreur sans tentative de renaissance par les bienfaits d’un remake (ou d’un second, dans ce cas-ci). C’est bien connu : en termes d’horreur, faire le remake ou le reboot d’un film à succès, c’est comme faire des blagues politiques lors d’un souper chez la famille du nouvel être aimé : ça passe ou ça casse. The Grudge de Nicolas Pesce n’échappe pas à cet embarrassant bris.
Durant ces 94 minutes se voulant effrayantes, nous suivons la détective Muldoon (Andrea Riseborough ), qui tente de découvrir pourquoi tant de drames se sont déroulés dans une mystérieuse maison en Pennsylvanie. À son enquête s’alterneront différents retours dans le passé durant lesquels nous en apprenons davantage sur les gens ayant occupé les lieux, qui, tous, ont été victimes de visions « terrifiantes » et de meurtres violents. D’où provient donc cette malédiction et comment y mettre fin ? Vite comme ça, je dirais qu’on se fiche de comment cette malédiction prendra ou ne prendra pas fin. Que dans le cas d’une histoire aussi simple, ce que l’on veut voir, c’est des apparitions monstrueuses efficaces et des scènes gores bien insoutenables. Malheureusement, The Grudge n’arrive pas à nourrir de telles attentes.
Ai-je mentionné que l’histoire s’avérait simple ? Elle serait plutôt sensée l’être. Effectivement, le réalisateur semble avoir voulu combler le vide du scénario par des enchaînements de personnages, de lieux et de chronologies différentes dès les premières minutes du long métrage. Si le film gagne ainsi un semblant de complexité, il aura su perdre la moitié de son public après 30 minutes (je plains d’ailleurs le couple de jeunes gens qui sont arrivés dans la salle une demi-heure après le début de la projection, se cherchant piteusement des sièges. Normalement, je les aurais jugés. Mais cette fois, j’avais simplement envie de leur crier : « Partez! Partez pendant qu’il en est encore temps ! ».)
Le film baigne dans une esthétique sans saveur rappelant les romans savons du dimanche après-midi. Des situations se voulant humaines et touchantes – comme dans une scène où la protagoniste, enquêteuse mais également mère monoparentale, s’adresse à son petit garçon apeuré d’aller à sa première journée d’école – sont maladroitement appuyées d’une photographie dépourvue de toute recherche artistique et d’une trame sonore beaucoup trop intense pour la cause. Si ces « choix esthétiques » nuisent grandement à la crédibilité des situations présentées, il en est de même pour les moments du film se voulant effrayants. En effet, les cadrages très impersonnels n’aident pas à rendre efficaces les nombreux jumpscares facilement prévisibles tant les codes du genre sont maintenant connus et surutilisés (je parle ici du cinéma d’horreur à fins commerciales). La qualité douteuse des effets spéciaux rend également les apparitions fantomatiques de The Grudge, pourtant si efficaces dans les chapitres précédents, plus comiques qu’autre chose. Quand le visage d’un fantôme en pleine rage rappelle le dernier filtre snapchat utilisé sur son téléphone, il vaut probablement mieux en rire qu’en pleurer.
Si un aspect du film de Pesce aurait pu se démarquer des autres films de la franchise, c’est son côté gore très assumé. Des cadavres en stade de putréfaction avancée, des doigts coupés et des corps en miettes, il y en a beaucoup dans ce Grudge saucé à l’hollywodienne. Ces passages ne sont malheureusement pas assez forts pour compenser les incohérences ridicules du scénario. Qui donc ici, de minimalement humain, apporterait avec lui son enfant pour aller affronter le mal, en lui demandant gentiment d’attendre dans la voiture pendant que maman va tenter de confronter un fantôme meurtrier et potentiellement indestructible ? Qui ici, possédant un minimum de bon sens, poursuivrait banalement sa routine du soir quelques minutes après qu’une force occulte ait essayé de vous noyer dans le lavabo ? Je m’informe, tout simplement.
En 2018, il y a eu Suspiria (Luco Guadagnino), suivi l’année suivante de Child’s Play (Lars Klevberg), remakes ayant réussi à charmer le public de par leur originale réappropriation. Vous comprenez où je m’en vais ici, The Grudge de Nicolas Pesce n’est définitivement pas la renaissance horrifique de son année. Encore moins de sa fraîche décennie. Croisons-nous les doigts pour une renaissance prometteuse de Candyman par Nia DaCosta, prévue pour 2020, qui saura peut-être nous faire oublier cette triste tentative lucrative amputée de toute passion créative.
Durée : 1h34