POMPÉI : ARCHÉOLOGIE DES BRÛLURES

Belgique, France, Québec, 2019
Note : ★★★

 

Anna Faguères et John Shank signent un premier film lent avec peu de dialogues qui explore une romance dans un environnement aride et difficile. Un film qui prend son temps de fouiller les dilemmes du début de la vie adulte.

Cette coproduction Belgique-France-Canada nous transporte dans un village assez reclus où deux jeunes hommes, Toxou (Vincent Rottiers) et Victor (Aliocha Schneider) gagnent leur vie en volant quelques conducteurs bernés par les pompes à essence défectueuses, en recherchant des artéfacts par des fouilles archéologiques et en chargeant des enfants pour leur permettre de les espionner lorsqu’ils ont des relations sexuelles avec des jeunes femmes. Environnement d’éducation non encadré, il va sans dire. Lorsque Billie (Garance Marillier) est de retour dans le village après un renvoi de son pensionnat, elle tombera sous le charme confrontant de Victor. Cette rencontre provoquera quelques questionnements au jeune homme, déchiré entre son désir de liberté, les dettes accumulées, la loyauté et la garde de son petit frère.

Faguères (à son premier long métrage en tant que réalisatrice) et Shank (à son second long métrage) utilisent les possibilités du grand écran; parsemant leur film de multiples plans d’ensemble où les personnages existent, petit dans ces beaux paysages. La direction de la photographie de Florian Berutti est d’ailleurs magnifique, captant souvent parfaitement la lumière orange et rose du crépuscule. Les coréalisateurs prennent leur temps et semblent mettre de l’avant l’image aux dialogues, n’ayant que très peu d’information sur le passé de chacun des protagonistes. Les enjeux sont simples et précis, laissant le spectateur vivre les dilemmes des personnages à travers les images beaucoup plus qu’à travers des scènes dramatiques.

 

Aliocha Schneider use de charme pour nous transmettre les déchirements intérieurs de Victor. Et Garrence Marillier (révélée dans Grave de Julia Ducournau, voir notre texte sur les films français de la décennie) lui rend avec son interprétation de Billie, adolescente rebelle déterminée à vivre son amour envers Victor. La thématique de Pompéi demeure la liberté; celle qu’ils n’ont pas, celle qu’ils veulent, celle qui a un prix. Parce que s’ils veulent vivre leur amour, il y aura des sacrifices et des abandons.

Si la liberté concerne Victor et Billie, Pompéi s’attarde également à la formation relationnelle des jeunes du village. Ces jeunes, tous entre neuf et douze ans approximativement, découvrent les réalités de leurs aînés… surtout les réalités sexuelles. Les parents sont absents, à l’exception de ceux de Billie, laissant ainsi les jeunes aux mains de Touxou et Victor. Les cinéastes alternent leurs scènes entre la quête de Victor et les jeunes qui font leur école relationnelle. Jimmy, le jeune frère de Victor (Auguste Whilhelm dans son premier rôle) demeure leur porte-parole, suivant les gestes et comportements de son frère, allant jusqu’à hériter de son rôle. Cette filiation, dramatique, est traitée de manière minimaliste par les réalisateurs, sans jamais réduire le poids de cette passation familiale. Jimmy découvrira ce qu’est d’être un homme, aussi déformés ses exemples soient-ils.

Il faut creuser pour saisir l’intérieur des protagonistes de Pompéi, tâche qui demeure intéressante et généralement peu exploitée dans les films de quête initiatique. Le film est visuellement réfléchi et magnifiquement rendu par la lumière. L’histoire simple laisse la place à une réflexion sur l’arche narratif second, cette « formation » que vit Jimmy et cette filiation, souvent toxique, de la masculinité.

 

Bande-annonce originale française :

 

Durée : 1h35

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