Film sur le souvenir, la mémoire, l’amertume et sur l’acte créatif que ce Our Last Tango: La danse comme forme artistique, mais au-delà du tango, c’est le documentaire lui-même qui se met en scène.♥♥♥½
D’une part, il y a Juan Carlos Copes et María Nieves, un légendaire couple de tango, qui n’ont plus dansé ensemble depuis leur divorce amoureux et artistique. Des années plus tard, ils se retrouvent pour un ultime tango. Et de l’autre, Maria qui raconte sa vie à une chorégraphe et des jeunes danseurs, des danseurs qui devront revivre, dans une fiction, les moments clefs de l’histoire de Maria et Juan.
Plusieurs films en un seul
Le film met en scène un diapositif complexe qui alterne documentaire, table ronde de recherche pour ce documentaire, images d’archives, fiction et le making of de cette fiction. L’entrelacement se fait toujours bien et le spectateur se laisse bercer par les magnifiques images de German Kal (ancien collaborateur de Wim Winders) et le tango. Par sa structure, nous ne pouvons que penser aux films sur la danse de Carlos Saura, à la seule exception que les films de Saura ne tombaient jamais dans le personnel.
« Je ne veux pas en parler, je veux parler de la danse »
Ici, les entrevues tournent rapidement autour de leur vie de couple, des trahisons extraconjugales, des moments de semi-jalousie en s’écartant du dessein de ce que le film annonçait. Maria donne le ton dès le début lorsqu’il dit qu’elle revivrait sa vie sans rien changer, rien sauf Juan. Ce genre de commentaires nous éloigne du sujet principal, Maria et Juan danseurs, pour se consacrer sur Maria et Juan amoureux peinés. Maria parle d’une mission que Juan s’était auto-donnée, affirmant que ce dernier l’avait accomplie. Cela aurait été pertinent d’expliquer aux spectateurs l’enjeu de cette dite mission, mais non, cela est à peine effleurée et puis nous retournons dans l’histoire de leur vie personnelle. Même la principale intéressée passe ce même constat: « Je ne veux pas en parler, je veux parler de la danse ». Le réalisateur en fait fi et au même moment où Maria dit cela, il nous montre deux comédiens-danseurs jouer une scène de rupture. Le réalisateur l’ignore également en continuant son entrevue, poussant la danseuse sur un sujet qu’elle ne voulait clairement pas aborder, c’est-à-dire, la raison de rupture sans issue des deux danseurs.
La mélancolie l’emporte sur l’amertume
C’est la partie fiction de ce documentaire qui la plus réussie, parce que Maria se met pour ainsi dire en scène à travers les danseuses avec lesquelles elle discute. Dans ces parties, la mélancolie l’emporte sur l’amertume : Maria en silence visite les décors où sera jouée sa vie, quelques notes de musique l’accompagne et le spectateur est touché. C’est également dans ce moment-là qu’une belle part est laissée à la danse. C’est ce que filme le mieux German Kal, mais également parce que, et ça Carlos Saura nous l’avais déjà prouvé, il n’y a que peu de chose de plus envoûtant cinématographiquement qu’une caméra qui filme deux personnes qui dansent le Tango.
Auteur: LAurent Gariepy