Nymphomaniac – Volume 1

Un Lars Von trier savamment dosé qui fait réfléchir et touche la cible sans envolée provocante…♥♥♥1/2

C’est l’oeil aguiché (et la boite de Kleenex en main) que je me suis dirigé en ce froid soir du mois de mars au cinéma Excentris pour aller découvrir la première partie de Nymphomaniac; la dernière oeuvre du provocant/trash/dérangeant Lars Von Trier. Précédé d’à peu près toutes les réputations possibles et imaginables, je ne m’attendais pas à grand-chose. En effet, j’entretiens une tumultueuse relation d’amour-haine savamment développée avec le plus célèbre des cinéastes nordiques contemporains qui remonte aussi loin qu’à son premier film. Autant je tiens Europa au statut de film-culte, je suis séduit par la démarche sans concession de Dogville et je vois beaucoup plus qu’auto-excision et éjaculations sanguinolentes dans Antichrist, autant je me suis emmerdé grave dans Melancholia, j’ai trouvé en Manderlay une redite inutile du précédent et je suis resté perplexe tout au long du visionnement de Elements of Crime. Chaque nouveau film m’arrive donc vierge d’une certaine façon, mais, à l’image de Stacy Martin dans le film, ne le reste pas très longtemps et s’imbrique rapidement dans ma filmographie personnelle du coquin.

La mise en bouche est simple et rapide (dans tous les sens du terme) : un homme (Stellan Skarsgard) trouve une femme (Charlotte Gainsbourg) laissée pour morte dans une ruelle. Après l’avoir ramenée chez lui pour en prendre soin, Joe (la femme), une nymphomaniaque en puissance, lui racontera en moult détails l’histoire (sexuelle) de sa vie.

Que ceux qui espèrent trouver en ce film gorges chaudes et verges dures arrêtent ici leur lecture; la réputation surfaite (ou le montage tronqué) a décuplé le caractère supposément très (trop) osé du film qui risque de beaucoup moins choquer les âmes sensibles à la nudité précoce que l’excellent Inconnu du Lac (et de décevoir encore plus ceux qui espéraient y trouver une version de Youporn socialement acceptable).

nympho

Si en effet les hommes du film préfèrent souvent garder leurs engins hors de la diégèse, ce n’est pas le cas de Lars Von Trier qui continue d’utiliser le sien à merveille. En effet, les procédés cinématographiques ingénieux employés par le Danois ne manquent pas que ce soit au niveau des faux raccords, de l’utilisation d’intertitres, du noir et blanc ou de l’intégration de scènes explicatives carrément documentaires. En plus de nous présenter cette histoire sans chercher à la moraliser, mais davantage à la démontrer, il nous force à travers ces procédés à réfléchir et remettre en question les conceptions des personnages et de la sexualité que nous nous faisons tout au long du film. S’il y a une chose qu’il fait bon de voir, c’est que Lars continue d’avoir un véritable plaisir à tourner, et pas seulement lorsque Stacy Martin est sur l’écran.

Parlant d’elle; mentionnons qu’elle n’est rien de moins qu’une révélation dans le film. Même si des doublures ont supposément été engagées pour les scènes les plus osées, elle fait preuve d’un courage hors du commun en début de carrière. Dans une mise à nue physique et émotive, elle réussit à aguicher à peu près n’importe qui en un soubresaut de sourcils. Charlotte Gainsbourg a du pain sur la planche pour reprendre le collet dans la version deux… Comme d’habitude, Von Trier tire le meilleur de ses actrices (même si Stellan Skarsgard est excellent et très comique) et c’est particulièrement le cas avec Uma Thurman dans une courte performance digne d’un oscar.

Si l’on voit clairement que Lars Von Trier prend un malin plaisir à tourner, on voit aussi qu’il n’a pas eu le dernier mot sur cette version. On sent effectivement trop souvent que nous sommes devant une version amputée (2 parties de 2h00 alors que la version originale fait 5h30). Nous avons l’impression que des scènes se terminent trop abruptement et que le montage est illogique; comme si on voulait sauver du temps sur l’ensemble. À l’inverse, certaines scènes qui semblent bien tenir en elles-mêmes prennent au final  trop de place sur l’ensemble.

Reste que, même si le terme est surfait et ne veut pas dire grand-chose, il s’agit en quelque sorte office d’un film-somme pour Lars Von Trier en ce sens qu’il recoupe l’ensemble de ses thématiques et obsessions dans un tout plutôt cohérent. Tour à tour dramatique, drôle, inquiétant, provocateur et expérimental, Von Trier dose l’ensemble de son immense talent sans jamais pousser le bouchon trop loin dans l’une ou l’autre des directions. Si la première partie est une belle réussite à cet égard, nous attendons avec impatience ce que la deuxième portion de l’œuvre nous réservera

 

 

 

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