Ni le ciel ni la terre

Issu du court métrage et du documentaire, l’artiste contemporain et cinéaste français, Clément Cogitore, signe avec Ni le ciel ni la terre un ambitieux premier long métrage maîtrisé. En collaboration avec Thomas Bidegain, habituel scénariste de Jacques Audiard ( Dheepan ), Cogitore met en œuvre un captivant film de guerre métaphysique, mettant en vedette Jérémie Renier.♥♥♥♥

            Afghanistan, 2014. À l’approche du retrait des troupes, le capitaine Antarès Bonassieu (Jérémie Renier) et sa section sont affectés à une mission de contrôle et de surveillance dans une vallée reculée du Wakhan, frontalière du Pakistan. Malgré la détermination d’Antarès et de ses hommes, le contrôle de ce secteur supposé calme va progressivement leur échapper. Une nuit, des soldats se mettent à disparaître mystérieusement dans la vallée.

 

Film de guerre qui traverse les genres

Les réalisateurs français sont généralement réticents de mettre en lumière un conflit armé dans lequel la France est impliquée. Pierre Schoendoerffer avec La 317e section (1965) ou René Vautier pour Avoir vingt ans dans les Aurès (1972) ont mis du temps avant de s’embarquer dans le thème des guerres d’Indochine ou d’Algérie, ce qui n’a pas empêché la censure de se propager contre le second cinéaste. Mais Ni le ciel ni la terre ne propose pas d’approche directe des enjeux de la guerre et on ne saurait le considérer comme un témoignage sur la présence française en Afghanistan. Il n’y a pas non plus de traitement ouvertement politique, la fonction antimilitariste étant moins explicite que dans The Paths of Glory ( Stanley Kubrick, 1957) ou Le Désert des Tartares ( Valerio Zurlini, 1976). Cependant, Clément Cogitore partage avec Valerio Zurlini l’aptitude à capter l’appréhension du danger imminent. D’où vient alors la singularité de Ni le ciel, ni la terre, qui n’emploie qu’avec sobriété les passages obligés du film de guerre, telles les scènes de bataille ? C’est en s’inspirant de l’univers de John Ford et David Lynch que le film réussit à surprendre, tout en imprégnant la touche d’un authentique cinéaste. C’est avant tout la faculté à exposer un petit groupe d’hommes en terrain étranger et hostile, en déjouant simultanément les attentes du spectateur.

 Ni le ciel ni la terre

Dans la zone mystique

Perturbés par un espace décrété sacré qui prend des allures inquiétantes durant la nuit, et par des indigènes dont ils ne comprennent pas la complexité des mœurs, le capitaine Bonassieu et son commando sont progressivement saisis par un environnement qui les dépasse. Le côté western du film réside dans la simplicité d’une intrigue épurée et cette habilité à cerner les rapports humains, l’obéissance à l’autorité et la poursuite de motivations individuelles suscitant ici des contradictions fâcheuses. Les plans sur la vallée utilisent alors le décor afghan comme un canevas de tragédie, l’unité de lieu renforçant l’oppression des situations. Car Bonassieu et ses hommes seront très vite opposés à d’étranges disparitions, qui font glisser le film dans une nouvelle dimension. Suspense suffocant dans un monde devenu fantastique, mais également réflexion intelligente sur les faux semblants, Ni le ciel ni la terre est une œuvre originale qui justifie son prix que lui a décerné le Jury de la Semaine de la Critique au récent Festival de Cannes. Autour d’un Jérémie Renier sublime, la distribution met en valeur une belle cuvée de jeunes espoirs du cinéma français. En particulier les talentueux Swann Arlaud (Michael Kohlhaas) et Kevin Azaïs (Les Combattants).

Auteur: Justin Charbonneau

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