Mes souliers rouges

 Troisième long métrage documentaire pour Sara Rastegar, jeune réalisatrice née en Iran, Mes souliers rouges retrace l’histoire de ses parents, Kaveh et Fariba, étudiants marxistes, depuis leur mariage en Iran durant la Révolution, jusqu’à leur arrivée en France. Au travers de leurs entrevues, de leur correspondance épistolaire et d’archives super 8, Sara Rastegar livre un film sur la mémoire collective, familiale, et personnelle.♥

 Le documentaire, a fortiori lorsqu’il porte un caractère autobiographique, est un processus de découverte entre intérieur et extérieur. L’intime et l’Histoire se répondent et offrent une expérience souvent riche et émouvante au spectateur.

Afin de faire dialoguer passé et présent, et voir la parole traversée les générations depuis ses parents jusqu’à ses petites sœurs, Sara Rastegar met en place trois niveaux de lecture : une lecture historique où la parole tient lieu de témoignage, les confidences au sein de la cellule familiale, et une quête personnelle de la réalisatrice cherchant sa place vis-à-vis de cette histoire, dans un besoin de filmer que l’on perçoit comme boulimique et vital.

La force et la beauté du film résident essentiellement dans les récits de Kaveh et Fariba. Juxtaposés aux archives de famille, Sara Rastegar fait surgir un écho du passé riche de sens. Elle a su amener son père comme sa mère face caméra à des confidences profondes. Au travers ces récits, l’Histoire se nourrit de sentiments et d’émotions, du quotidien d’une famille qui trouve encore du bonheur même en temps de guerre. Avec eux, c’est tout un travail de mémoire et de questionnement qui se met en marche : qu’est-ce que l’engagement politique, comment faire les choix d’une vie ?

Nous comprenons bien où la cinéaste souhaite nous emmener, un dialogue entre ce présent harmonieux et paisible d’une famille réunie en France, et un passé de déchirements et de luttes. Il est alors dommage que l’intensité contenue dans les souvenirs de la Révolution ne trouve pas son équivalent dans le présent, autant dans le propos que dans la facture visuelle. Le dialogue ne s’installe que partiellement entre les deux temporalités, les images du présent disent peu là où celles de l’Iran déversent tant. Quand bien même nous demeurons captivés tout le long par les évocations de l’enfance de la cinéaste en Iran, il aurait été pertinent de laisser plus de place aux questionnements de ce présent si « ordinaire » mais précieux, que ses parents ont construits pour elle et ses sœurs. Sara Rastegar ne tire malheureusement pas de ses cadettes l’intimité qu’elle parvient à aller chercher avec ses parents.

 

Finalement, la réalisatrice effleure sa propre position entre parents et sœurs, comme celle qui filme et qui dérange. Une position trop peu explorée mais qui témoigne du profond processus de maturation qu’a vécu la réalisatrice vis-à-vis de son sujet.

Auteur: Anne Castelain

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