Love and Bruises

Romance internationale dans les rues de Paris.♥♥♥
Hua, étudiante chinoise, habite à Paris depuis peu. Un jour, elle rencontre Mathieu, un jeune ouvrier qui tombe amoureux d’elle. Commence alors une histoire d’amour intense et passionnelle. Cette relation déstabilise Hua qui décide de repartir en Chine. Jusqu’à ce qu’elle prenne conscience de l’importance qu’a prise Mathieu dans sa vie.
Interdit de tournage depuis quelques années en Chine, Lou Ye se déplace cette fois à Paris pour filmer une nouvelle histoire de désir.
De la même manière qu’ une séparation, « Love and bruises » est un film qu’on aime mais dont on ne sait pas trop bien pourquoi.
Loin d’être fascinant comme son homologue iranien ( on reste ici clairement dans le contemplatif), son seul défaut reste de tourner en rond un peu trop…Et ce n’est pas là une nouveauté quant au cinéma asiatique.
Ici, le film Il épouse systématiquement le point de vue (certes suggéré) de son héroïne et peint le portrait d’une histoire qui ne devrait pas exister.
Dans le rôle des amants, Tahar Rahim est parfait en crédule banlieusard. Il est épaulé par un remarquable Jalil Lespert (avec qui l’on n’aimerait pas passer un sal quart d’heure) et forcement Corinne Yam qui démontre l’abandon à l’autre avec la subtilité asiatique et la modernité occidentale.
Soulignons d’autant plus le travail incroyable des comédiens qui sont ici dirigés par un homme qui n’entend pas un mot de français.
Un film étrange donc porté par une musique superbe mais dont on ressort triste, songeur et tout chose
Attention à la fatalité !

 

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Entretien avec Lou Ye

 (tiré du Kit presse)

Comment avez-vous découvert « Fleur » le roman de Jie Liu-Falin ?

J’étais en train de tourner « Nuits d’Ivresse printanière » lorsque l’auteure m’a joint

depuis Paris. Elle espérait que je pourrais trouver le temps de lire son roman et m’a

demandé si, par hasard, cela m’intéresserait de travailler sur une adaptation. J’ai lu son

livre et l’ai beaucoup apprécié.

Quel a été son impact en Chine en dépit de son interdiction ?

Dans mon souvenir, à l’époque, le livre n’avait pas été encore publié, il n’était donc alors

pas question d’interdiction. En revanche c’est moi qui étais victime de l’interdiction

d’exercer ma profession de cinéaste.

C’est un roman largement autobiographique, écrit par une femme. Quelles sont les

raisons qui vous ont donné envie de l’adapter ?

La finalité de l’amour. Sa quintessence.

Je crois que Jie Liu-Falin est parvenue à repousser les limites d’un thème qui a toujours

été présent dans mon travail jusqu’à aujourd’hui.

Adopter cette fois-ci le point de vue d’une femme, qui plus est au travers d’une oeuvre

autobiographique m’a beaucoup intéressé. Cette franchise et cette sincérité,

l’authenticité de son expérience personnelle, ont beaucoup nourri nos discussions.

Quels thèmes plus précisément vous intéressaient ?

Rien de particulier ou de très précis. J’y reviendrai, mais la quintessence de l’amour est

un sujet qui me fascine, sans doute parce que je pense que c’est, selon moi, un problème

très concret, très quotidien, pour un être humain, et donc un aperçu particulièrement

révélateur d’une certaine dimension sociale et politique.

 

Avez-vous travaillé avec l’auteure – et si oui dans quelle mesure – ?

J’espérais qu’elle pousse de son côté le plus loin possible le travail d’adaptation et qu’elle

puisse l’accomplir toute seule, sans intervention de ma part, afin de pouvoir retrouver les

éléments qui m’avaient touché à la lecture du roman, comprendre leur mécanisme et

espérer saisir ainsi ce qui devait être filmé.

Elle a donc écrit une première version du scénario, ce qui m’a été par la suite d’un grand

secours dans mon travail.

Ce n’est pas un scénario ‘psychologique’. Les personnages préservent le mystère de leurs

motivations. Etait-ce le cas dans le roman ou est-ce un choix plus personnel ?

Non, le roman était déjà à l’origine composé en grande partie d’éléments intuitifs et

mystérieux. C’est d’ailleurs, je crois, ce qui m’a le plus touché et ce qui m’a donné envie

de travailler sur ce film. Je pense vraiment pour ma part que le mystère, le non-dit, le

refoulé sont les éléments les plus importants de ce que nous appelons notre humanité.

 

 

Au début les deux personnages sont très différents. Des opposés complémentaires. Hua

est sombre, silencieuse, grave. Mathieu parle, agit, sourit beaucoup. Mais chacun tait

son passé et préfère vivre au présent. Pouvez-vous nous parler un peu de ces deux

personnages ?

Ce que j’espère surtout, c’est que ces deux personnages seront perçus par le spectateur

comme faisant vraiment partie de la vie de tous les jours et non pas comme deux

personnages romanesques particuliers. Car c’est vraiment ce côté banal, quotidien,

concret qui m’a intéressé. Je ne les crois pas différents de ce que nous sommes tous et

toutes. Il n’y a rien de spécial chez eux. Hua et Mathieu nous ressemblent. Et ce qui les

caractérise et fait qu’ils nous sont proches, c’est que, comme nous, ils ignorent de quoi

leur futur sera fait.

On parle de « Fleur » de Jie Liu-Falin comme d’un roman très sulfureux mais votre film

est avant tout mélancolique, le sexe rapproche les êtres autant qu’il les sépare. Il est

presque désespéré. Etait-ce là une intention de votre part ?

J’essaie toujours que mes personnages ne se rapprochent pas l’un de l’autre que parce

que je l’ai décidé. Idem lorsqu’ils se séparent. J’essaie de ne jamais tomber dans

l’artificialité des rapports humains. C’est la même chose avec l’espoir. On ne sait jamais

si l’autre est proche ou au contraire, s’il s’éloigne. On ne sait jamais si notre espoir est

fondé ou non.

 

Dans quelle mesure la sexualité est-elle, selon vous, révélatrice d’une personne ou/et d’une époque ?

Le sexe est une composante indispensable et naturelle de la liberté de l’homme et de la

femme. Si vous voulez évoquer un être humain, le mettre à nu, il est impossible de faire

l’impasse sur sa sexualité.

L’amour entre ces personnages est un amour pulsionnel, entier, ravageur, parfois même

destructeur. Comment envisage-t-on de mettre en scène une telle histoire ?

Sans rien planifier justement. Si vous aimez et croyez en vos protagonistes, il vous suffit

de les suivre. Il faut être prêt à les accompagner, à se laisser conduire par eux dans une

direction dont vous ignorez tout. Juste partir à l’aventure en leur compagnie.

 

Une fois encore, vous avez recours à la caméra sur l’épaule, ce qui donne à votre film un

aspect quasi-documentaire. Pour quelles raisons avez-vous fait ce choix ?

J’espère toujours que mes personnages vont transcender les limites de la caméra. Les

meilleurs films existent selon moi dans cette zone, certes risquée, où s’interrompt le

pouvoir de contrôle du cinéaste et du directeur de la photographie.

J’ai toujours pour but de montrer la réalité, de la retranscrire, sans le filtre du cadre et

de la caméra. En essayant de montrer ce qui existe au-delà de celle-ci.

Le montage apporte une tension constante et agit comme une sorte de révélateur de la

confusion interne des personnages, de leur solitude, de leur détresse… Il dit beaucoup de

choses de leur psychologie, au contraire du scénario. Comment l’avez-vous travaillé ?

C’est une continuité du travail d’écriture qui débute avec le scénario. Je procède en deux

temps. Durant le tournage, je reste focalisé sur le script. J’essaie d’en respecter l’esprit et

les impératifs, sans jamais penser au montage. En revanche, dès que cette étape débute,

j’ai pour principe de tout oublier, y compris le scénario et de me focaliser sur chaque

image, sur chaque cadre pour ne garder vraiment que ce qui me semble indispensable.

Cela exige que vous regardiez tous les rushes sans exception, afin de vous familiariser

peu à peu avec chaque nuance de jeu, chaque geste et intonation des comédiens. Chaque

détail, chaque modification peut avoir une influence sur l’ensemble du film. Autant vous

dire qu’être mon monteur est loin d’être une partie de plaisir.

Comme souvent chez vous, l’environnement urbain est très important. Vous filmez la

ville où évoluent Hua et Mathieu comme un personnage à part entière, avec ses bruits,

sa couleur, son intensité.

Le seul critère est le personnage. J’essaie de le suivre dans son environnement, de

trouver les décors qui lui ressemblent. Parce qu’un décor participe à l’écriture d’un

protagoniste. Ce n’est pas seulement un corps et un visage. L’espace où il évolue peut

aussi révéler une part de sa personnalité.

 

Comment avez-vous fait la rencontre de Tahar Rahim et qu’est-ce qui vous a donné envie

de travailler avec lui ?

Tout est parti d’une petite photo de lui dans un magazine. J’ai immédiatement pensé

qu’il était très proche de l’idée et de l’image que je me faisais du personnage de Mathieu.

C’est pour cette raison que j’ai souhaité faire sa connaissance. Nous nous sommes très

vite rencontrés à Paris, juste après le tournage d’ « Un Prophète ». Il était extrêmement

fatigué et assez impatient lorsqu’il parlait, se souciant assez peu de savoir si je parvenais

à le comprendre. Je l’ai tout de suite apprécié. Il était formidable. Et cela m’a confirmé

qu’il était parfait pour Mathieu. Quelques mois plus tard, nous nous sommes revus au

cours d’une soirée durant le festival de Cannes. C’était un peu comme si nous étions de

vieux amis qui ne se seraient pas vus depuis longtemps et se retrouvent avec plaisir.

 

Quel type d’acteur est-il ?

Splendide et charismatique. Il n’incarne pas seulement à merveille le rôle, il est le

personnage. Il parvient à vivre comme lui. C’est le plus grand challenge des acteurs, y

compris des meilleurs. Souvent, plus un acteur est doué, plus il aura tendance à

développer une sorte de conscience inconsciente de l’excellence de son jeu. Et du coup,

cela les éloigne parfois du personnage qu’ils sont censés interpréter. Et beaucoup ne

parviennent pas à dépasser cette limite. Pas Tahar.

 

Et Corinne Yam ? Comment l’avez-vous choisie ?

Dans le scénario, Hua est professeur de sociologie et de Français. Mais dans le roman,

c’est moins la barrière linguistique qui existe entre les deux personnages qui est mise en

avant que l’étude psychologique et la réflexion sur les doutes profonds de l’être humain.

Néanmoins nous sommes partis sur l’idée de trouver une chinoise qui parlerait

couramment français. Nous l’avons cherchée à Pékin, à Paris, aux Etats-unis, au

Canada… Nous avons auditionné plusieurs centaines de jeunes femmes. Puis un jour,

alors que nous regardions un film interprété par une autre actrice, nous avons découvert

Corinne. Elle n’avait que peu de séquences mais elle était stupéfiante. Nous l’avons

rencontrée et lui avons fait passer une audition qui s’est révélée très enthousiasmante.

 

Vous ne parlez pas le français. Comment avez-vous travaillé avec vos acteurs ?

Sur le plateau, j’avais des écouteurs et entendais d’un côté les dialogues en français

interprétés par les acteurs durant la prise, et de l’autre, la traduction en chinois. Bien

que j’ai déjà eu auparavant des expériences similaires – une partie d’ « Une jeunesse

chinoise » fut tournée en Allemagne et certains dialogues de « Purple Butterfly » étaient

en Japonais -, cette expérience était particulière car c’était la première fois que je

dirigeais un film tourné en majeure partie en français.

Ne pas parler la langue de ses personnages, est-ce une entrave ou une liberté pour faire

un film ? Est-ce que du coup l’on se concentre sur d’autres choses ?

Diriger un film dans une autre langue que la sienne est toujours un défi pour un

cinéaste, et pour sa sensibilité. Pour être plus précis, puisque vous ne comprenez pas la

langue parlée par les comédiens, il vous faut reporter votre attention et votre jugement

sur d’autres choses parmi lesquelles et entre autres : l’humeur, l’intonation, le rythme,

les expressions, l’intensité du regard, les gestes… Tout ce qui dépasse les mots. Je ne

sais pas quelles conséquences cela peut avoir sur le film mais sans doute cela vous

pousse-t-il à être plus strict, pointilleux et exigeant sur l’expressivité des acteurs.

La musique est superbe et la façon dont vous l’employez est très intéressante. C’est

presque une respiration. Comment avez-vous travaillé avec le compositeur et choisi les

moments où elle interviendrait dans le film ?

Je suis sensible au fait que vous parliez de respiration. Car c’est exactement le mot que

nous employions Lik Wai, le directeur de la photographie, et moi-même sur le plateau.

Dans notre façon de filmer tout d’abord. Nous avions décidé qu’à moins d’un brusque

changement de lumière, nous n’arrêterions pas la caméra et laisserions les acteurs jouer

la scène jusqu’au bout. Nous voulions être en mesure de capturer cette ‘respiration des

images’. De saisir la moindre variation ou modification de celle-ci. Nous avons procédé de

la même façon avec la musique.

C’est ma troisième collaboration avec Peyman Yazdanian.

Je sélectionne souvent, au moment du montage ; et c’était le cas pour mes deux

précédents films ; des musiques que j’insère dans le film comme autant de suggestions

pour le compositeur. Puis nous nous rencontrons en tête-à-tête pour discuter du tempo

de chaque phrase musicale et des diverses possibilités qui nous sont offertes par la bande

originale.

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