LA NEGRADA : la découverte d’une communauté

Mexique, 2018.

Note: ★★★ 1/2

3e long métrage du réalisateur mexicain Jorge Pérez Solano, La Negrada était présenté vendredi le 28 septembre dans le cadre de la 14e édition du Festival international du film Black de Montréal. Le récit se déroule dans la partie Costa Chica de la région d’Oaxaca dans le sud du Mexique où vivent, de manière isolée, plusieurs communautés d’anciens immigrants africains. Le film raconte l’histoire de Neri, et de quelques membres de sa famille qui travaillent au quotidien à survivre et combattre l’ennui.

Raconté par chapitres (miércoles, jueves, viernes…), chacun précédé d’une sorte de poème/adage raconté par un vieux pêcheur (à la Hemingway), le film présente le très modeste quotidien de ces familles, toutes issues du même père, Neri. Polygame assumé et héritier de coutumes bien africaines, le père de famille est souvent le sujet de discussion et de dispute de ses femmes et de ses enfants. Entre sa première femme à l’hôpital, victime d’une maladie incurable et dont il ne s’occupe plus vraiment, et le temps passé avec sa maîtresse, Neri préfère rester seul, pêcher, se promener à vélo et boire de la Corona. Mais Neri est aussi un prétexte pour présenter le quotidien de ses enfants et de ses femmes qui, chacune à leur manière, tentent de survivre aux jours difficiles.

La maîtresse de Neri a un petit restaurant au bord de la mer. L’un des aspects les plus intéressants du film devient rapidement d’avoir le point de vue de cette famille lorsqu’elle accueille des touristes : la négociation des prix pour aller en bateau, les méthodes pour attirer les clients au restaurant, l’observation des touristes américains qui ne parlent pas espagnol, etc. Un point de vue qui n’est pas présenté très souvent au cinéma.

Film contemplatif, La Negrada pourrait facilement se comparer à un documentaire d’observation. La caméra, principalement fixe, semble observer d’un œil extérieur le quotidien isolé de cette communauté qui ne se mixe pas aux mexicains d’origine. Les séquences de pêche, de séchage de poisson et de cuisine se multiplient, insistant tranquillement sur les pratiques de ces tristes familles. La direction photo impeccable de César Gutiérrez Miranda, qui a aussi fait les deux autres opus du réalisateur, nous transporte par la beauté des cadrages, la lumière blanche qui caresse chaque plan et les couleurs radieuses de ce petit patelin au bord de mer.

Finalement, le film n’insiste pas beaucoup sur la marginalisation de ces communautés noires du sud du Mexique. C’est de manière indirecte, par leur isolement et leur façon de ne pas côtoyer les mexicains d’origine que l’on comprend leur réclusion.

À la toute fin du film, le réalisateur laisse la parole à plusieurs femmes qui s’adressent directement à la caméra. Il fait ensuite le portrait de plusieurs familles afro-mexicaines en nous expliquant en sous-titres que seulement 1% de la population totale du Mexique est noire et n’a jamais été reconnue en tant que groupe ethnique, nation ou culture et qu’elle continue de subir une discrimination constante. La Negrada est le premier film qui a pour sujet cette communauté afro-mexicaine et qui fait un effort de lui donner une voix et de la rendre visible aux yeux du monde entier. Cet excellent film vaut pleinement la peine d’être vu, que ce soit pour son sujet, pour sa démarche ou pour ses images magnifiques.

Durée: 1h44

Ce film a été vu dans le cadre du Festival du Film Brésilien de Montréal 2018.

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