Co-scénarisé et réalisé par Alberto Rodriguez, La Isla Minima/Marshland (Anatomie d’un double crime pour les francophones du Québec) est la réponse espagnole à la série policière True detective. ♥♥♥♥
En combinant minutieusement la bonne vieille façon de résoudre des enquêtes, des personnages travaillés et une atmosphère distinguée, on obtient un film de suspense divertissant et rempli d’émotion. La Isla Minima se déroule en Espagne (1980) au moment où le pays sort à peine de l’ère Franco. Dans le village du sud de Villafranco del Guadalquivir, un emplacement distant qui est entouré par des marécages, deux sœurs adolescentes ont disparu. Une paire de détectives, Juan (Javier Gutierrez) et Pedro (Raul Arevalo), arrivent pour enquêter sur les lieux. Ils interrogent le village au complet; du père curieusement hargneux envers ses filles au beau jeune homme nommé Quini. Peu de temps après, les corps des filles sont retrouvés dans les marais, violés et mutilés, et divers indices suggèrent des liens vers des disparitions qui ont eu lieu antérieurement.
verdadero detective
Les similarités avec True Detective sont immédiatement apparentes, à partir de la cinématographie légèrement jaunâtre du directeur photo Alex Catalán jusqu’à la relation curieusement complexe entre les deux flics idéologiquement opposés l’un de l’autre : le jeune Pedro est idéaliste, ambitieux et heureux d’être débarrassé de la dictature, tandis que Juan, ancien membre de la Gestapo espagnole, se compare à la gueule de bois de l’ère Franco et n’est pas opposé à tabasser des vieilles dames pour la récolte d’information. Les acteurs Gutierrez et Arevalo sont à la fois remarquables et mémorables, générant une chimie austère et captivante ; les deux hommes sont affectés l’un par l’autre de manière subtile, mais efficace. En outre, le cinéaste a peuplé le petit village de personnages excentriques aux allures inhabituelles (notamment un trafiquant de drogue avec une voix troublante rauque et une femme qui prétend être capable de prédire l’avenir), qui donnent un semblant supplémentaire à l’authenticité du roman à sensation (pulp fiction).
Une mise en scène maîtrisée
La réalisation de Rodriguez est impressionnante tout au long du récit, créant un sentiment colossal d’une époque où l’atmosphère est palpable et tendue (le pays est en phase de transition et ce n’est pas tout le monde qui est heureux avec ce changement). Ce dernier maîtrise également les conventions du genre policier, on y retrouve d’ailleurs quelques séquences qui le démontrent parfaitement: une poursuite en voiture au crépuscule à travers les marais et une conclusion trempée par la pluie. Le film est également renforcé par l’utilisation élégante de photographies aériennes. Celle pendant le générique d’ouverture est particulièrement saisissante; la vue ressemble à des particules de cerveau. En fin de compte, La Isla Minima réussit à engendrer des sensations fortes, grâce à une intrigue excitante, de superbes performances, une atmosphère sentie et un scénario vivant qui rend un bel hommage aux films de détectives.
Auteur: Justin Charbonneau