La face cachée du weed : Regard sur Smiley Face

États-Unis, 2007
Note : ★★★★★

Le film de stoner est un sous-genre qui semble relativement tabou. Alors que nous allons classer Requiem for a Dream de Darren Aronofsky (on en parlait ici) de drame et Spun (Jonas Åkerlund, 2002) de comédie noire, ces deux oeuvres possèdent pourtant une esthétique particulièrement psychédélique, atypique et sensorielle, pour ne pas dire une esthétique « planante » ou même « bad trippante », qui nous plonge dans ce voyage mental euphorique, ou l’accentue, dépendamment dans quel état nous les visionnons. Alors que ce sous-genre a tendance à s’attaquer à des trames narratives qui s’apparentent soit à des descentes aux enfers, soit à des comédies à l’humour agréablement vulgaire et à la distribution majoritairement masculine, c’est en 2007, en bon avant-gardiste que Gregg Araki a démontré, avec Smiley Face (2007), que le film de stoner peut s’attaquer à la comédie intelligente, se détachant ainsi de tous les clichés habituels de ce genre cinématographique de l’underground.

Jane (Anna Faris) est une jeune diplômée en économies qui tente sans succès de percer en tant qu’actrice. Possédant une personnalité du laisser-aller, elle est une consommatrice assidue de cannabis, endettée dans le tapis. Un matin où elle attrape les munchies, elle dévore le plateau de cupcakes de son coloc sans savoir qu’il s’agissait de gâteaux au pot. Stoned comme jamais, Jane, bien motivée, décide tout de même de se faire un plan de match pour passer à travers sa liste de tâches du jour, qui compte notamment la cuisine d’un nouveau plateau de gâteaux magiques, une audition et la dernière chance d’un paiement de marchandise pour lequel elle a reçu de nombreux avertissements.

Araki nous propose un ici une œuvre aux dialogues internes mémorables et à l’humour délicieusement élaboré, le tout agréé d’une trame sonore des plus entraînantes, le tout nous faisant oublier le minimalisme du récit. Car il s’agit, pourtant, de la force principale de Smiley Face : raconter une épopée rocambolesque qui pourtant ne va pas plus loin que des situations du quotidien. Il faut dire que de voir la vie du point de vue d’une stoner a de quoi ajouter beaucoup de piquant aux situations banales. Ici, une randonnée d’autobus de ville devient un brutal tour de manège et la préparation d’une recette de pâtisseries devient une intense séance de slapstick digne d’un Charlie Chaplin. Sans road trip ni fête de graduation, Smiley Face rend la simplicité férocement divertissante.

La seconde force du film d’Araki demeure dans le personnage de Jane. Douce, brillante et tout simplement adorable, elle nous fait oublier les Cheech & Chones de ce monde, à qui elle n’a rien à envier. Nous permettant de nous délecter de ses réflexions philosophiques sur la lasagne et sur la cruauté animalière… dans une usine de saucisses, elle nous permet de suivre, sans jamais le moindre soupçon de jugement moral, la folle journée d’une fille sans emploi qui tente d’atteindre ses objectifs du jour. Anna Faris, reine du comique, nous offre une des meilleures performances de sa carrière, un équilibre parfait entre le clownesque et le terre-à-terre. 

Avec Smiley Face, Gregg Araki démontre, à l’aide d’une histoire simple et d’une protagoniste féminine aux intentions pures, que le stoner n’est pas nécessairement un lycéen qui découvre sa sexualité ou bien un junkie en quête de bonheur vivant dans un appartement crade avec ses amis motards. Le tout, à une époque où cette drogue douce était encore très marginalisée et associée au mal (on a fait du progrès, hein, le Canada?). Un rare 5 étoiles pour moi. À écouter sans modération. Sous, ou sans influence. 

PS: Parce que je n’ai pas su comment le plugger ailleurs dans cette courte critique, je tiens à souligner l’agréable présence à l’écran d’acteurs tels que Jon Krasinski, Adam Brody, Jane Lynch, John Cho et Roscoe Lee Brown.

Smiley Face est disponible sur TUBI.

 

Bande annonce originale :

Durée : 1h25

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