Un documentaire nécessaire de Mahamat-Saleh Haroun sur le dictateur Hissein Habré. ♥♥♥½
Le triste nom d’Hissène Habré n’est pas le plus connu parmi les dictateurs africains, malgré son très lourd héritage (près de 40 000 morts sous son règne). Le macabre premier ministre puis président du Tchad a pourtant un rôle majeur et tragique dans l’histoire africaine contemporaine. C’est sur la sombre histoire de ce dictateur que Mahamat-Saleh Haroun se penche dans son dernier film, Hissein Habré, une tragédie tchadienne présenté au RIDM cette année.
Dans le film, Haroun (Un Homme qui crie) va à la rencontre des victimes et des rescapés encore meurtries par le régime de terreur de 12 ans de Hissein Habré. Mahamat-Saleh Haroun, lui-même tchadien, mais vivant en France, nous montre les plaies profondes de ce peuple courageux, mais aussi leur détermination et leur volonté remarquable, qui a permit de traduire en justice et éventuellement condamner ce dictateur, une première pour un ancien chef d’État africain.
La suite de l’horreur
Les marques sont encores très vives pour les tchadiens; Hissein Habré a été jugé en 2015 et condamné à la prison à vie en 2016. Les blessures autant physique que psychologiques sont nombreuses chez ceux qui ont eu le malheur de ne pas se trouver dans les bonnes grâces du gouvernement. Pourtant, à travers les coups et les moments sombres, nous sentons une grande résilience, une volonté de fer et une joie de vivre indéniable dans le peuple tchadien. Haroun souhaite autant faire la lumière sur le douloureux passé de son peuple blessé que de le tourner vers l’avenir avec un optimisme mesuré.
Un de ces survivant demande à un moment du récit ce que nous avons fait à Dieu pour souffrir ainsi. Cet argument puissant des athées prend tout son sens dans le cadre de Hissein Habré, une tragédie tchadienne; comment accepter que de telles atrocités se passent dans le monde sans rien faire? Comment se fait-il que des êtres humains acceptent d’en faire partie malgré les leçons répétées de l’histoire depuis des millénaires? Le film de Mahamat-Saleh Haroun, qui confirme une fois de plus sa place essentiel dans le cinéma africain, ne prétend pas apporter de réponses à ces questions bouleversantes, mais grâce à la qualité de son approche, il s’assure de poser les bonnes questions.