Méditation non-narrative sur une famille pauvre des marges extrêmes de Taipeï – ♥♥♥
Deux frères et sœurs (Lee Yi-cheng et Lee Yi-chieh) passent le plus clair de leurs journées seuls, errant à l’extérieur ou traînant dans un supermarché. Leur père (Lee Kang-sheng) travaille comme un panneau humain pour un développement immobilier de luxe à une intersection de la ville occupée.
Pour ceux que les marques stylistiques de Tsai Ming-Liang laissent froid, voire ennuient, mieux vaut passer votre chemin ici. On retrouve en effet les longs plans fixes de plusieurs minutes, où rien ne se passe concrètement mais où l’émotion affleure, déborde et reflue. Comme d’habitude, le réalisateur se préoccupe en effet davantage de sentiments que de contenu. Les scènes mystérieuses mais souvent magnifiquement composées se succèdent les unes aux autres et nous apprenons au fur et à mesure de celles-ci à connaître ces personnages et leur histoire. Mais cela n’est pas (et de loin) l’attrait principal du film. De nombreux plans sont composés comme des tableaux, voire composent un tableau autour d’un tableau, comme c’est le cas avec la scène récurrente autour de la fresque murale de Gao Jun Hong. On suit Lee Kang-Shen sur un personnage semblable, depuis des années et c’est assez touchant et réconfortant de retrouver encore une fois ce binôme taïwanais. Mais les scènes sont ici très inégales, et certaines pourraient aisément être supprimées. Tsai Ming-Liang se plaît à filmer la déliquescence, la ruine et la désagrégation et la portée symbolique est à peine voilée. La métaphore de la tempête est ainsi ici très appuyée avec un homme et ses enfants, ballotés par la vie, qui doivent se battre pour garder leur place. On retrouve aussi, dans une (trop) longue séquence, la métaphore légumière à laquelle était consacré un de ses précédents films, L’odeur de la pastèque, pour servir de défouloir des déviances, des pulsions et des fantasmes. Au-delà de quelques très belles scènes et de ces aspects intéressants, il convient d’être un peu plus circonspect sur certaines lubies du réalisateur, qui aime filmer ses acteurs satisfaire leurs besoins naturels face caméra ou encore sur la longueur et le nombre de ces longs plans fixes qui plombent le rythme (et souvent l’attention du spectateur). Et contrairement à ses précédents films The Hole, Les rebelles du dieu Néon ou encore la Rivière, cet assemblage de longs plans-fixes, de regards désolés et d’architecture en béton manque bien souvent de lyrisme.
Pays de production : France Taïwan; Durée : 2h18min; Réalisateur : Tsai Ming-liang ; Scénario : Tung Cheng Yu, Peng Fei, Tsai ; Photographie : Liao Pen-jung, Sung Wen Zhong; design sonore : Mark Ford ; Distribution : Lee Kang-sheng, Lee Yi-chieh, Lee Yi-cheng, Yang Kuei-mei, Lu Yi-ching, Chen Shiang-chyi, Wu Jin Kai.