Plusieurs membres de l’équipe de rédaction de Cinémaniak ont proposé, compilé, classé et discuté des films qu’ils considèrent ceux de la décennie. À la suite de leur classement personnel, un pointage a été accolé à chacun des films selon leur position. À cette compilation, ont été ajoutées les différentes cotes des quatre sites spécialisés en cinéma que sont Letterboxd, Metacritic, RottenTomatoes et le bien de chez nous, Médiafilm. À partir des pointages finaux, le classement a été effectué. À travers ce dossier, la rédaction de Cinémaniak vous partagera différents classements selon les catégories suivantes : les films québécois, les films américains, les films français, les films européens, les films du Commonwealth, les films asiatiques ainsi que les films des autres pays. Chacune de ces catégories ont fait l’objet de deux épisodes dans le cadre du balado produit en collaboration avec CISM 89,3 FM. Pour écouter les dévoilements et les débats entourant les films du classement, rendez-vous sur la page de la baladodiffusion ici.
Pour cette première publication du dossier, Cinémaniak vous propose de rester près de nous, de parler de notre cinéma, de nos artistes et créateurs, ceux qui font le cinéma québécois. Voici les positions 20 à 11 des 20 films québécois de la décennie selon les rédacteurs de Cinémaniak.
POSITION 20
TURBO KID de RKSS (François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell)
2015
Le trio de réalisateurs québécois a laissé leur marque dans le cinéma de genre. Turbo Kid, premier long métrage du collectif, est l’adaptation en long de leur court métrage T Is for Turbo (2011). Mélange de drame et aventure, avec une bonne dose de gore, le film est bourré de références à différents classiques (Mad Max en haut de la liste). Prix du public à South by Southwest. Dans un univers rétrofuturiste situé en 1997, le Kid (Munro Chambers), orphelin errant, rencontre Apple (Laurence Leboeuf), un robot femelle déjanté. Avec l’aide d’un adjuvent au bras de fer, ils confronteront le régime de Zeus (Michael Ironside). Rafraîchissant, pop, plaisant et toujours juste.
POSITION 19
TOM À LA FERME de XAVIER DOLAN
2013
Quatrième film du prolifique Xavier Dolan à qui appartient la décennie 2010. Tom à la ferme avait à l’époque dérogé du parcours disons habituel de son réalisateur d’aller présenter ses films à Cannes comme il l’avait fait avec les trois précédents. Le film, adapté de la pièce du même nom de Michel Marc Bouchard (qui cosigne le scénario avec Dolan), a été projeté en compétition de la Mostra de Venise où il a gagné le prestigieux FIPRESCI, prix des critiques. Dolan, qui interprète le rôle-titre, réalise un thriller hitchcockien à contre-courant avec ses images grises, sales et en y accolant peu de musique populaire. Un film sur la tension, les secrets et le deuil qui fait tout exploser. Une distribution excellente, d’une Lise Roy en mère endeuillé à Pierre-Yves Cardinal en bourreau inquiétant. Le film confirme que Xavier Dolan maîtrise le langage cinématographique.
POSITION 18
KUESSIPAN de MYRIAM VERREAULT
2019
Le film est librement adapté de l’oeuvre de Naomi Fontaine qui coscénarise avec la réalisatrice. Kuessipan raconte l’histoire de Mikuan (Sharon Fontaine Ishpatao) et Shaniss (Yamie Grégoire), deux adolescentes inséparables qui ont grandi dans des milieux différents d’une communauté innue près de Sept-Îles. À l’aube de leurs 17 ans, leur amitié sera mise à rude épreuve. Mikuan s’amourache d’un Blanc (Étienne Galloy), rêvant de sortir de la réserve devenue trop étroite pour découvrir le monde et étudier à Québec. De son côté, Shaniss se plaît sur son territoire, élevant son enfant en compagnie d’un conjoint irresponsable. Malgré les hauts et les bas du quotidien, elles tenteront de demeurer unies, ce qui ne sera pas toujours évident. Le film a été tournée dans la communauté innue de Uashat-Maliotenam et à Sept-Îles, dans la région de la Côte-Nord du Québec. Avec plusieurs distinctions dans différents festivals, le film est un accomplissement d’un dialogue et d’un échange entre la communauté de Uashat et la cinéaste Myriam Verreault qui a su raconter, sans jamais trahir, et en incluant ceux qu’elle capte l’histoire. Deux actrices non professionnelles, deux amies aux destins différents, mais deux héroïnes comme l’on n’en voit pas si souvent. Kuessipan est un film nécessaire qui fait du bien
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POSITION 17
LA GRANDE NOIRCEUR de MAXIME GIROUX
2018
Maxime Giroux revient quatre ans après le plus convenu Félix & Meira (2014) avec un troisième long métrage, La grande noirceur, aux antipodes de la douceur et l’intimité de son dernier drame. Après un financement difficile et 18 jours de tournage, Giroux et son équipe nous offrent un film ambitieux, un film fait dans l’urgence d’être et d’exister. Dans un univers déjanté entre le réel et l’irréel, un déserteur erre dans les États-Unis où il rencontrera différents personnages inhabituels. Un grand film, un petit bijou de cinéma qui s’élève à la hauteur de ce qu’il voulait accomplir. Le réalisateur nous offre un des plus beaux voyages qu’a connu le cinéma québécois à travers les magnifiques images signées Sarah Mishara. Un des plus beau film, visuellement, du cinéma québécois, enrobé d’une violence difficile à soutenir. Avec une distribution impressionnante, et surprenante : Martin Dubreuil, Romain Duris, Cody Fern, Sarah Gadon, Reda Kateb et Soko.
POSITION 16
LA FEMME DE MON FRÈRE de MONIA CHOKRI
2019
La femme de mon frère est le premier long-métrage de Monia Chokri après un court remarqué en 2013, Quelqu’un d’extraordinaire. Le film a remporté le Coup de cœur du jury dans la catégorie Un certain regard au dernier Festival de Cannes 2019. Film audacieux, coloré, drôle, le film se distingue dans le paysage cinématographique québécois également par ses efforts d’invention visuelle, sa trame musicale éclectique et la qualité de ses dialogues. Anne-Élisabeth Bossé est hilarante dans le rôle principal servant avec une répartie jouissive ses répliques assassines, tant à son frère (Patrick Hivon), qu’à ses parents (les très drôles et charmants Micheline Bernard et Sasson Gabaï).
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POSITION 15
THE TWENTIETH CENTURY de MATTHEW RANKIN
2019
The Twentieth Century de Matthew Rankin est un film que vous n’avez jamais vu. Visuellement éclaté et unique, les décors ont été fabriqués à la main avec une grande touche théâtrale. Rankin s’est donné le défi de raconter la vie de William Lyon McKenzie à partir de la lecture de ses journaux intimes. Seulement, le réalisateur originaire de Winnipeg ne se préoccupe pas de la vérité historique ou encore du réalisme, mais préfère explorer une esthétique rappelant constamment le rêve. Rien n’est historique outre les noms et quelques faits. Cette posture de départ lui permet ainsi de jouer avec tout, d’un Dan Beirne en un King fils à maman sexuellement refoulé (voir ses obsession avec les bottes et le cactus éjaculant), d’une Sarianne Cormier en nurse Lapointe pour qui Mackenzie King éveille les passions, jusqu’à l’inversion des genres faisant incarner la mère de King par Louis Negin, Joseph-Israël Tarte par Annie St-Pierre, ou encore un Emmanuel Schwartz en tenancière de bordel winnipegois. La politique canadienne éclatée comme jamais elle ne l’aura été… et ne sera. Un film biographique comique, qui traite tout de son sujet de manière ludique. Le travail est immense et unique.
POSITION 14
EN TERRAINS CONNUS de STÉPHANE LAFLEUR
2011
Deuxième long métrage de Stéphane Lafleur, En terrains connus, met en vedette Fanny Mallette et Francis La Haye qui interprètent un frère et une sœur, Benoît et Maryse. Dans un film toujours situé en banlieue, les personnages doivent se débarrasser d’une pelle mécanique sur leur terrain. Benoît, éternel adolescent, habite avec son père (Michel Daigle) convalescent, Maryse est employée d’usine. Arrive un homme du futur (Denis Houle) qui vient bouleverser les personnages. En terrains connus devient alors un road movie fraternel inhabituel. Un film qui prouve que Stéphane Lafleur est le cinéaste québécois par excellence pour faire ressortir le fantastique du banal.
POSITION 13
LES AFFAMÉS de ROBIN AUBERT
2017
Dans un village, les choses ont changé. Certains habitants ne sont plus ce qu’ils étaient. Ils s’en prennent à leurs familles, leurs amis, leurs voisins… Une poignée de survivants s’enfoncent dans la forêt pour leur échapper. Un synopsis qui prédit des attaques de zombies… dans un Québec rural. Cinquième film de Robin Aubert, Les Affamés explore la société québécoise à travers cette crise apocalyptique où Marc-André Grondin, Monia Chokri, Micheline Lanctôt et Marie-Ginette Guay se battent pour survivre à l’invasion. Bourré de références jamais grossières, le film se démarque par son intelligence sociale, son travail sonore impressionnant (bruits et musique de bouche de Pilou) et la verve de Brigitte Poupart, le tout dans une direction artistique d’André-Line Beauparlant. Premier film québécois sur Netflix, mais ce film est bien plus que ce fait. Un film profondément social qui demande réflexion.
POSITION 12
CAFÉ DE FLORE de JEAN-MARC VALLÉE
2011
Café de flore de Jean-Marc Vallée est cette histoire parallèle entre une mère monoparentale, interprétée par Vanessa Paradis, et son fils autiste dans un Paris des années 1960 et un couple (Hélène Florent et Kevin Parent) avec deux enfants qui se séparent dans le Montréal du début 2010. Semi spirituel, peu réaliste en quelque sorte, mais magique si l’on comprend que le but n’est pas justement le réalisme, mais ce que l’on se raconte, aussi farfelu les gens peuvent-ils croire, pour réussir à passer à travers les plus grandes épreuves de notre vie. Une odyssée sur l’amour. Avec la musique de Sigur Rós. Café de flore est l’apothéose du mariage entre les images de Vallée et de la musique méticuleusement choisie par celui-ci. Enivrant, si vous vous laissez emporter.
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POSITION 11
LAURENCE ANYWAYS de XAVIER DOLAN
2012
Laurence Anyways est le film le plus exubérant et le plus baroque de Xavier Dolan. Expérience de la démesure assumée, où le cinéaste prend le temps d’accompagner son protagoniste, Laurence (Melvil Poupaud) dans sa transformation et l’affirmation de son identité. Suzanne Clément interprète Fred, une amoureuse sans compromis; l’actrice est au sommet de son art puisqu’elle nous transmet la douleur sourde de ce personnage qui a tout essayé et qui se rend au-delà de ce qu’elle peut supporter. L’émotion dans Laurence Anyways nous donne des scènes marquantes dirigées par un Dolan affirmé. Film à l’identité texturée et colorée, ce troisième long métrage du jeune cinéaste est là et il est impossible de ne pas le remarquer.
Cette compilation est une collaboration entre Marc-Antoine Lévesque, Alexandre Blasquez, Jules Couturier, Alice Michaud-Lapointe, Charles-Henri Ramond et Ariane Roy-Poirier.