FILMS DE LA DÉCENNIE : FILMS AMÉRICAINS PARTIE 3

Plusieurs membres de l’équipe de rédaction de Cinémaniak ont proposé, compilé, classé et discuté des films qu’ils considèrent comme ceux de la décennie. Pour écouter les dévoilements et les débats entourant les films du classement, rendez-vous sur la page de la baladodiffusion produite en partenariat avec CISM

Pour cette deuxième partie de ce dossier, Cinémaniak se prononce sur les films des États-Unis. Voici les positions 20 à 11 des meilleurs films américains de la décennie.

Pour les positions 40 à 31, cliquez ici. Pour les positions 30 à 21, rendez-vous ici. 

POSITION 20

Tony Revolori, Tilda Swinton et Ralph Fiennes dans The Grand Budapest Hotel

THE GRAND BUDAPEST HOTEL de WES ANDERSON

2014

Dans la république fictive de Zubrowka, The Grand Budapest Hotel est un établissement prestigieux sur lequel règne le concierge M. Gustave. Madame D, une de ses ferventes clientes meurt et lui lègue le tableau Le garçon à la pomme d’une inestimable valeur. Se lance alors une bataille avec les héritiers pour récupérer ce tableau, sur fond de bouleversements politiques à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. On voue un amour inconditionnel pour Wes Anderson, pour ses univers, ses mises en scène, ses couleurs, sa douceur, sa vision du monde et de ses mondes. Les films de Wes Anderson sont comme de petits bijoux que l’on trouve dans des brocantes, des trouvailles uniques que l’on pensait inexistantes mais qui nous attendaient. Et c’est ce sentiment que l’on retrouve avec The Grand Budapest Hotel, une trouvaille cinématographique unique qui est rapidement devenue un grand film au niveau international. Avec ce film, Anderson s’approche d’une perfection dans la réflexion des gestes cinématographiques : tout semble réfléchi car le rythme, le montage, la musique, les plans de caméras, la photo, les costumes; tout y est unique et ça fonctionne. Avec les films de Wes Anderson, on confronte moins la réalité et c’est ça qui est plaisant. Il réussit comme peu savent le faire à utiliser tout le matériel cinématographique qui lui est offert. The Grand Budapest Hotel est un grand moment de cinéma.

Voir ce que l’on en avait dit à sa sortie sur les écrans.

 

POSITION 19

LaKeith Stanfield et Brie Larson dans Short Term 12

SHORT TERM 12 de DESTIN DANIEL CRETTON

2013

Short Term 12 est probablement le film le moins connu de cette compilation des films américains de la décennie, bien qu’il contienne maintenant deux récipiendaires d’Oscars. Le film raconte l’histoire de deux travailleurs sociaux (Brie Larson et John Gallager Jr.) dans une maison pour jeunes. Les histoires personnelles des jeunes et des deux travailleurs se répondront dans leurs drames respectifs. À l’époque de sa sortie, la jeune et relativement inconnue Brie Larson, qui tient le rôle principal, faisait l’objet de rumeur d’Oscar. Sa distribution serait aujourd’hui impressionnante; outre Larson et Gallager Jr., LaKeith Stanfield de Sorry to Bother You, Stephanie Beatriz de Brooklyn Nine-Nine, Kaitlyn Dever de Booksmart et Rami Malek y tiennent les rôles principaux. La laideur de ce film en fait sa beauté. Parce que ce film est cruel. Parce que Brie Larson est absolument magnifique. Parce qu’un rap peut faire pleurer. Parce qu’une histoire pour enfants, c’est important. Parce que la vie est faite d’épreuves. Parce que l’être humain est résiliant. Pour toutes ces raisons, regardez ce film. Regardez Short Term 12 de Destin Daniel Cretton.

 

POSITION 18

Ryan Gosling dans Blade Runner 2049

BLADE RUNNER 2049 de DENIS VILLENEUVE

2017

Après ses premières réalisations québécoises et ses consécrations internationales, Denis Villeneuve marque sa carrière en 2017 avec Blade Runner 2049, la suite du premier opus de Blade Runner réalisé par Ridley Scott en 1982, qui est adapté du roman de Philip K. Dick Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? publié en 1968. Après l’attente d’une dizaine d’années en pour-parler pour la création du film, c’est finalement Villeneuve qui obtient le projet pour la réalisation. Dans cette suite, qui met en vedette Ryan Gosling, Jared Leto et Robin Wright en plus de Harrison Ford, le cinéaste québécois met en scène, 35 ans après le premier opus, une suite qui semble avoir été réalisée à peine quelques années plus tard. Entouré de Roger Deakins comme chef opérateur et Hans Zimmer comme musicien, Villeneuve incarne son film dans la temporalité de Blade Runner. Il retrouve une lenteur et une attente qui s’installent dans ce long métrage d’une durée de 2h30 et qui s’opposent aux rythmes des franchises américaines actuelles. Son lien avec le premier opus est flagrant et la maîtrise de la réalisation démontre, une fois de plus, les compétences du cinéaste.

 

POSITION 17

Greta Gerwig, Michael Esper et Adam Driver dans Frances Ha

FRANCES HA de NOAH BAUMBACH

2012

7ème film de Noah Baumbach mais son premier à connaître un aussi grand succès, notamment grâce à la présence charismatique de la pétillante Greta Gerwig. Frances a 27 ans. Elle n’a pas d’argent et se plaint tout le temps. Envahissante, capricieuse, Frances va à contre-courant des règles de vie en société. Malgré tout elle reste attachante. Frances Ha est ponctué par des cartons noirs affichant les différents noms et adresses où Frances va vivre. Une sorte de cartographie de ses lieux de vie, de ses moments clefs et de ses points de repères nécessaires à sa construction émotionnelle. Frances se cherche. Elle n’a pas la notion des priorités, ne prend pas ses responsabilités et fait souvent des choix peu éclairés. Le film repose sur cette notion de choix et la difficulté de se construire dans une société qui met de côté les gens incapables d’être formatés à son image. Filmé en noir est blanc, la photographie inscrit le long métrage dans aucune temporalité et rend ainsi son histoire plus universelle. Comme à l’accoutumée, on retrouve chez le réalisateur ce plaisir à décrire les tranches de vie cocasses et rocambolesques dans un montage qui confère aux scènes un pouvoir comique indéniable, le tout souligné par une musique guillerette et sémillante. Un film générationnel sur une femme qui vivote sans pouvoir se poser parce qu’elle ne s’est pas encore trouvée. Il nous brosse un portrait de femme indépendante à l’ego démesuré qui se questionne sur l’existence. Un cinéma qui, dans sa légèreté et son entrain communicatif, rappelle le meilleur des comédies de Woody Allen avec qui il partage des quiproquos de situations et le plaisir des joutes verbales.

 

POSITION 16

James Baldwin avec Dick Cavett dans une image d’archive utilisée dans I Am Not your Negro

I AM NOT YOUR NEGRO de RAOUL PECK

2016

I Am Not your Negro est un film documentaire afro-américain écrit, coproduit et réalisé par le réalisateur haïtien Raoul Peck. Sorti en 2016, il retrace la lutte des Noirs américains pour les droits civiques à partir d’un texte inédit de James Baldwin, Remember this house, qui évoque les meurtres de Medgar Evers, Malcom X et Martin Luther King pour étayer son propos sur des thèmes tels que l’esclavage et l’abolitionnisme. Récipiendaire en 2017 du César et de l’Oscar au titre du meilleur documentaire, c’est Samuel L. Jackson qui a la lourde tâche de mettre en voix les mots du romancier. Le documentaire utilise principalement des images d’archives à la fois publiques et privées (classiques hollywoodiens, documentaires, etc.). Ainsi, le réalisateur a voulu son film essentiellement visuel et musical en utilisant les images comme ponctuation aux mots et à la musique. Il cherche, en changeant le cadrage des images, à mettre en exergue les erreurs d’interprétation sur la traditionnelle iconographie noire grâce à un montage kaléidoscopique et frénétique. De plus, il utilise le noir et blanc pour son générique et ses cartons avec des scissions mettant ainsi en abyme son propre discours. Souvent, de longs travellings avant le long de la route ou du métro ponctuent le film, comme une invitation à embarquer dans son histoire pour avancer vers une société meilleure à laquelle James Baldwin croit fermement. Dans son texte narré par Jackson, Baldwin propage un message d’amour plus philosophique que les Black Panthers et méprise tous ces héros de propagande américaine (John Wayne, entre autres) qui véhiculent l’idée que les Noirs sont à l’image des autochtones dans l’histoire américaine. Il n’haït pas l’homme blanc mais ce qu’il représente. Il se questionne à savoir d’où vient cette haine du nègre, ce à quoi elle renvoie chez lui et pourquoi il en a besoin. Il évoque aussi l’hypocrisie des blancs face aux clichés de l’homme noir dans la culture américaine avec Sidney Poitier et Harry Belafonte qui séduisent et font vendre. À voir pour sa malheureuse utilité toujours d’actualité, même après toutes ces années.

 

POSITION 15

Al Pacino et Robert De Niro dans The Irishman

THE IRISHMAN de MARTIN SCORSESE

2019

Il aura fallu l’énorme budget de 160 millions de dollars à Martin Scorsese pour faire son dernier film, The Irishman. Et de la poche de qui cet argent est-il sorti ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, plus de celle d’Hollywood, devenue frileuse et si avare qu’elle a refusé d’accompagner le mastodonte de ce qu’on appelait un temps, le cinéma. C’est Netflix, que l’on accuse de tuer ce même cinéma, qui a pris le risque. Une étrange dynamique qui a fait polémique, lors de la sortie – pas en salle, du moins dans peu de salles – du 25ème film du réalisateur à la carrière impressionnante qui ne s’est pas gardé de dire combien l’industrie du film, toute occupée qu’elle est à submerger l’audience de super-héros manichéens, perd sa diversité et avec elle sa profondeur, opposant divertissement et art. Hollywood laisserait donc à Netflix le soin de donner une fenêtre – d’ordinateur- à ce que jadis nous appelions Septième art. Ceci étant dit, remercions la plateforme bouc-émissaire d’avoir permis à Scorsese de réunir sa famille de mafieux Joe Pesci, Robert De Niro et pour la première fois, Al Pacino, pendant 3h30 dans un film sur le temps qui passe et emporte avec lui la jeunesse et la fougue des acteurs comme du réalisateur. Beaucoup de dialogues, portés si ce n’est par l’énergie d’un trio septuagénaire, du moins par une somme de charismes incontestables. Dernier film qu’on n’espère pas l’ultime, d’un homme, qui comme tout vrai maître en son domaine, commence à regarder vers sa propre fin. Un film qui prend le temps de laisser les relations humaines se construire… et se détruire.

 

POSITION 14

Daniel Day-Lewis et Vicky Krieps dans Phantom Thread

PHANTOM THREAD de PAUL THOMAS ANDERSON

2017

Phantom Thread de Paul Thomas Anderson raconte la relation entre un grand couturier anglais des années 1950 et sa jeune muse. L’acteur Daniel Day-Lewis, le réalisateur et le musicien Jonny Greenwood, tous trois maîtres incontestés dans leur domaine respectif, sont ici réunis pour la première fois depuis le chef d’œuvre There Will Be Blood (2007), qu’ils ont créé ensemble. Phantom Thread prouve que leur collaboration est toujours aussi fructueuse. Ils sont au sommet de leur forme. La maîtrise formelle du film atteignant des niveaux supérieurs, rarement vus au cinéma, réussit à rendre impressionnant un sujet plutôt banal, ou qui a priori ne nous semblerait pas très excitant. En plus de ces maîtres à l’œuvre, Phantom Thread nous offre à découvrir l’actrice Vicky Krieps, véritable révélation. Somptueux et fin, le film raconte une histoire de perversion sous les belles apparences de la haute couture.

 

POSITION 13

Anya Taylor-Joy dans The VVitch

THE VVITCH de ROBERT EGGERS

2015

Film d’horreur que ce premier long métrage du réalisateur Robert Eggers, qui abandonne les planches du théâtre pour trimballer sa troupe de comédiens britanniques dans le décor aussi vierge qu’hostile de la Nouvelle-Angleterre du XVII ème siècle. Le film s’ouvre sur l’expulsion hors de sa communauté de colons d’une famille plus puritaine que les puritains. William (Ralph Ineson) et Katherine (Kate Dickie), flanqués de leurs cinq rejetons, s’en vont donc au nom de Dieu, forts de leur foi seule, bâtir une ferme vertueuse au plein cœur de nulle part. Eggers livre un film très maniériste, qui ne recule devant aucune citation picturale : clair-obscur et recompositions de peintures. Grande maîtrise de la direction photo pour ce huis-clos maléfique et mention spéciale pour Black Philip – le bouc – , dont la performance diabolique crève l’écran et marque les esprits. Hypnotique exploration des fantasmes et croyances d’une époque baignée dans l’obscurantisme le plus épais, The Witch fait de la forêt et de la nature en général, une extension des territoires mentaux habités par des peurs enfantines nourries par une religion omniprésente qui teinte tous et surtout toutes, de la sale couleur du péché. Certains y verront le chemin d’une émancipation féminine à travers l’accession à la sorcellerie de Thomassin (Anya Taylor-Joy), l’aînée de la fratrie maudite. Drame horrifique qui a marqué en grand l’entrée du réalisateur novice.

 

POSITION 12

Maika Monroe dans It Follows

IT FOLLOWS de DAVID ROBERT MITCHELL

2014

Cette adaptation d’un cauchemar du réalisateur nous marque par son ambiance et son côté immersif. Bien que ça n’ait jamais été assumé de manière explicite par David Robert Mitchell, ce film peut être interprété comme une mise en scène sur les maladies sexuellement transmissibles, où celles-ci sont remplacées par des fantômes-tueurs. On reste saisi par la conception sonore et la musique de Disasterpeace. It Follows nous retourne et nous laissera un doute sur les prochaines personnes que nous croiserons dans la rue. Le réalisateur David Robert Mitchell offre une jolie réalisation, pour qu’on soit au plus proche de Jay (interprétée par Maika Monroe), le personnage principal, et de ce qu’elle vit. Cela favorise le suspense et la montée en puissance du film. It Follows restera l’une des œuvres les plus organiques de la décennie.

 

POSITION 11

Ashley Benson, James Franco et Vanessa Hudgens dans Spring Breakers

SPRING BREAKERS de HARMONY KORINE

2012

Réalisé par Harmony Korine, Spring Breakers suit quatre jeunes filles qui partent faire le Spring Break avec comme unique but : la recherche du désir, qu’il soit sexuel, lié à la fortune, à la peur, ou au danger. Sexe, drogue et alcool sont au rendez-vous de cet ovni cinématographique qui est à mi-chemin du vidéoclip où répétitions de plans et montage rythmé sont présents. Korine joue avec des mash-up d’images et une utilisation du montage parallèle contre des moments de calme, plus tamisés. Il maîtrise les codes cinématographiques tout en jouant avec le traitement des personas. En effet, plusieurs héroïnes du film sont interprétées par d’ancienne star de Disney (Selena Gomez, Vanessa Hudgens, Ashley Benson) qui deviennent des tueuses en string. Quant à James Franco dans le rôle d’Alien, le rappeur le plus connu de Floride, il s’éloigne de tout ce qu’on connait de lui, en étant grimé pour la première fois. On adore sa démarche, on adhère à sa manière de parler. Enfin, notons Britney Spears qui est le fil rouge, toujours à la base d’un conflit entre les personnages. Spring Breakers est un univers complet, sexy et flashy aux couleurs pop, mais aussi un film très intelligent.

 

 

Cette compilation est une collaboration entre Marc-Antoine Lévesque, Clara Bich, Alexandre Blasquez, Jules Couturier et Prune Paycha.

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