Everything Everywhere All at Once ou la parfaite métaphore existentialiste

États-Unis, 2022
Note : ★★★★ ½

Après avoir réalisé Swiss Army Man (2016), un film étrange et audacieux à propos du suicide, de l’amour et qui met en scène un cadavre qui a des gaz, Daniel Kwan et Daniel Scheinert proposent pour leur deuxième projet, une nouvelle aventure dont la prémisse est tout aussi géniale et encore plus absurde. Everything Everywhere All at Once est un pur délice de science-fiction complété d’un humour déjanté et surtout, d’une sincère histoire de famille. Le tout supporté par une palette d’acteurs et d’actrices d’expérience et de talent.

En trois chapitres le film suit le développement identitaire du personnage d’Evelyn Quan Wang, joué par la formidable Michelle Yeoh et sa relation avec sa famille. Dans un rythme effréné à la Uncut Gems (2019), le quotidien d’Evelyn s’accélère encore lorsque son mari Waymond Wang (Ke Huy Quan) est possédé par une version de lui-même qui provient d’un autre univers. Sans parler d’une étonnante, mais rafraichissante participation de Jamie Lee Curtis dans le rôle d’une antagoniste. Si ce n’est pas déjà assez incroyable comme situation, l’aventure ne fait que commencer pour Evelyn qui se retrouve au premier plan d’une tempête multidimensionnelle. Bien qu’une unique exécution d’une histoire tout aussi originale, le film s’inscrit toutefois dans une thématique populaire et dangereusement rejouée.

État de la Science-fiction : Toute et partout à la fois

À l’ère des superhéros et des studios monopolisés, le marché de la science-fiction semble séduire la clientèle. Des concepts de Hard SF (science-fiction qui s’appuie sur une science réaliste), qui étaient davantage dramatisés dans les classiques du genre tels que 2001 : A Space Odyssey (1968), Planet of the Apes (1968) ou Blade Runner (1982), sont dernièrement vulgarisés afin de rejoindre une plus large audience. Par une intéressante transition, la science-fiction quitte progressivement l’exclusivité de son genre en diversifiant son style et sa forme.

Surtout chez Marvel et Disney, lorsque la SF est jumelée à la comédie, l’horreur ou bien l’animation, les thématiques ont tendance à se répéter d’une production à l’autre. Par exemple, si le thème du voyage dans le temps était surtout populaire dans les sous-genres de la SF vers la fin du XXe siècle avec la trilogie Back to the Future, (1985, 1989, 1990) ou 12 Monkeys (1995), depuis quelques années, c’est celui du multivers qui est à la mode.

Everything Everywhere All at Once suit cette disposition que Marvel a mise en marche depuis Spider-Man : Into the Spider-Verse (2018), suivit entre autres de Spider-Man : No Way Home (2021) et présentement à l’affiche : Doctor Strange in the Multiverse of Madness (2022).

Également populaire sur le petit écran, avec la série Loki (2021) par exemple, le concept de voyage entre différents univers a été complexifié et simplifié de multiples façons. Bien que le film des Daniels (surnom communément attribué au duo des réalisateurs) s’accorde avec cette tendance à la mode, leur version du multivers n’est que la forme du récit, le développement de ses personnages en est le fond.

Le multivers, la famille : Tout en même temps

Si les thèmes abordés dans leur premier film étaient un peu plus difficiles à discerner, les Daniels placent ici concrètement le sujet de la famille et des traumatismes intergénérationnaux au centre de leur intrigue. Dans une magnifique tornade stroboscopique d’humour sombre, de nihilisme et de voyage entre univers, l’histoire prend surtout ses origines dans la relation entre une mère et sa fille.

Si le personnage de Michelle Yeoh est central, ceux de son mari et surtout de sa fille, Joy Wang (Stéphanie Hsu) sont également principaux. Ouvertement queer, Joy essaie en vain à plusieurs reprises et sans le support de ses parents, de présenter sa copine Becky (Tallie Medel) à son grand-père (l’incomparable James Hong) qui a une mentalité plutôt traditionnelle. En ce mois de la Fierté, il est important de souligner la représentation de la communauté LGBTQ+ au grand écran et sa continuelle lutte. Un combat intergénérationnel qui prend dans le film littéralement la forme d’une classique bataille de science-fiction du bien contre le mal.

Everything Everywhere All at Once charme par des scènes engageantes émotionnellement, un souci du détail et une diversité des costumes et des décors et fait rire et réfléchir par son approche philosophique du tout ou rien et de son nihilisme. Le résultat est un magnifique hommage aux différents sous-genres de la SF tels que le cyberpunk et une engageante histoire sur le développement de soi, l’acceptation et le laisser-aller. Avec une performance d’ensemble enivrante et une singulière utilisation du concept de multivers, ce film devient un classique instantané qui sort du lot commercial.

Bande-annonce :

Durée : 2h20
Crédit photos : Lionsgate

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