L’art de la fugue est un long métrage français aux bon dialogues comme on en fait peu. Le film vient de sortir il y a, à peine, quelques semaines en France. A l’occasion de sa sortie Québecoise, Cinemaniak a rencontré son réalisateur Brice Cauvin qui revient sur l’expérience de son second long métrage
Syril Tiar : L’art de la fugue est l’adaptation d’un roman de Stephen McCauley qui a déjà vu deux de ses romans adaptés au grand écran (L’objet de mon affection, La vérité ou presque), quelles sont les circonstances qui vous ont amené à retravailler le scénario pour ce film ?
Brice Cauvin : Ce film est né de l’envie de travailler entre Agnes Jaoui. On cherchait en fait un roman à adapter. On connaissait bien Stephen McCauley : ses romans et lui-même.
Je trouvais que dans l’Art de la fugue, un des personnages du roman pouvait lui convenir. Donc après quelques recherches, je lui ai proposé le rôle.
Le roman original s’appelle The Easy Way out et il a moins d’intérêt que le titre français qui pouvait avoir plusieurs sens… notamment au niveau musical
ST : Vous êtes un littéraire avant d’être un technicien, est-ce que votre motivation première c’est de capter les bon-mots ?
BC : Ce sont les personnages qui m’intéressent, qui me touchent. Ici je trouvais que les trois personnages masculins étaient « à la ramasse » .… ce qui en fait des individus touchants.
C’est vrai que j’aime les films de personnages que cela soit Truffaut mais aussi Woody Allen avec le côté humoristique.
ST : Vous avez été assistant réalisateur de beaucoup…Pierre Salvadori, Philippe Harrel, Ilan Duran Cohen…Qu’est-ce que ces expériences vous ont laissé concrètement ?
BC : j’ai appris qu’il fallait inventer ses propres règles, ne pas reproduire systématiquement. Le fonctionnement de travail n’appartient qu’à soit en fait…Pierre Salvadori a par exemple une attention particulière aux acteurs…Il fonctionne beaucoup par couches sédimentaires. Il faut accepter de ne pas obtenir les choses tout de suite. Nicole Garcia m’a appris qu’il ne fallait pas avoir peur de tâtonner, de ne pas prendre la bonne direction.
ST : Mais est-ce que vous tâtonner sur le tournage ou en répétition ?
BC : J’adore les répétitions quand on peut, mais avec peu de matière, pour explorer. Par exemple, Agnes Jaoui aiment tenter des choses au niveau du jeu, donc explorer…Tandis que Laurent Laffitte est un peu comme Karin Viard; c’est un comédien parfait aux premières prises. Donc il a fallu s’adapter aux deux. On est un peu comme un chef d’orchestre avec eux.
ST : J’ai lu que vous passiez beaucoup de temps sur chaque personnage, ce qui explique la qualité notamment des seconds rôles….
BC : J’ai un fonctionnement extrêmement musical. Pour moi le coup de cymbale est aussi important que les autres instruments. L’important était d’essayer de ne pas composer des caricatures.
Avec ma coscénariste, on a aussi utilisé Agnes Jaoui comme Script Doctor c’est-à-dire qu’à chaque fois que le scénario avançait bien, on allait la voir pour avoir son avis; Elle avait un recul intéressant et évident et apportait des points d’améliorations.
ST : L’art de la fugue est donc une histoire centrée sur trois frères avec Laurent Laffitte en personnage principal…Était-ce prévu au scénario ou était-ce un choix qui s’est précisé au montage ?
BC : C’est un mélange des deux. Le scénario est une matière première, pas quelque-chose de définitif. Au scénario, ce sont les deux frères, Antoine et Gérard, qui étaient autant en avant. Cela a évolué au montage. Le ton et les équilibres se trouvent au montage
ST : Est-ce difficile de motiver un tel casting ?
BC : J’ai eu beaucoup de chance. Ils ont accepté assez vite. Lorsqu’on écrit, on ne sait pas du tout qui seront les acteurs. Le casting est donc le premier retour du scénario.
Évidemment il y a eu des changements comme Nicolas Bedos qui a remplacé Pio Marmaï finalement plus disponible…Le rôle initial était celui d’un footballer…Bon, j’ai fait de Nicolas Bedos un gars d’école de commerce
ST : Pourquoi avoir fait appel à des personnes dont la comédie n’est pas le premier métier ?
BC : En France on a beaucoup de comédiens chanteurs. Mais les musiciens aiment les indications mélodiques…la façon dont je travaille en fait
D’ailleurs ils sont tous dans la musique…quasiment tous les acteurs. J’aime que les comédiens soient des interprètes…comme des instruments de musique
ST : Le film a mis trois ans à sa post-production, pourquoi ?
BC : Il y a eu des problèmes avec la production; une procédure judiciaire qui a bloqué le film pendant deux ans et demi… Le producteur souhaitait empêcher le film de sortir…
ST : Trouvez-vous que c’est aujourd’hui plus difficile de faire des films ?
BC : Lorsque Pierre Salvadori a tourné Comme elle Respire, on préparait le film alors que le scénario n’était pas encore écrit. Aujourd’hui cela serait complètement impossible. Il y a eu une inflation incroyable au niveau des films. On a une concurrence permanente avec un nombre d’auteur important. La distribution est devenue très compliquée !
L’art de la fugue de Brice Cauvin sort vendredi 1er mai au Québec