en confinement avec Criterion channel

Depuis un certain temps déjà, je me questionnais sur la pertinence que peut avoir Criterion Channel, par rapport à tout ce qu’on peut visionner en ligne désormais. J’ai donc profité du confinement et de mes 14 jours d’essai gratuit pour tenter l’expérience et je dois dire que c’est tout à fait à la hauteur de ce que je pouvais imaginer, peut-être même mieux! J’y ai découvert et redécouvert des œuvres classiques comme des œuvres contemporaines.

Du cinéma énigmatique et chinois

L’une de mes premières découvertes contemporaines fut l’énigmatique Long Day’s Journey into Night (2018), 2e long métrage du réalisateur chinois Bi Gan, qui avait réalisé Kaili Blues en 2015. Un homme part à la recherche d’une femme qui hante son passé. Il fait la rencontre de plusieurs personnages étranges qui le mènent dans un cinéma où commence un film (ou un périple) dont il devient le personnage. Ce film est un long plan-séquence d’une heure dans un paysage contrasté et labyrinthique. Raconté sur une ligne de temps complètement déconstruite où les personnages semblent parfois se transposer en d’autres, le film est incontestablement complexe et peut paraître confus. Ultimement, Bi Gan nous propose une œuvre mystérieuse, à la fois indéchiffrable et hypnotisante, dans lequel le plan-séquence devient une prouesse technique à ne pas ignorer.

Les vampires à l’époque du Sida

Je me suis ensuite fait plaisir avec le choquant Near Dark (1987) de Kathryn Bigelow, l’une des réalisatrices américaines les plus remarquées, qui nous a entre autres offert le récent Detroit (2017), le fascinant The Hurt Locker (2008) et le troublant Strange Days (1995). Near Dark raconte l’histoire d’un jeune homme de bonne famille du Midwest des États-Unis qui est séduit par une jeune femme seule et ensuite entraîné dans un long et difficile périple de nuit avec un groupe de vampires rebelles. La mise en scène et le montage manquent de raffinement, le mix sonore n’est pas parfait, mais au final, le film nous offre une bonne dose d’adrénaline et de scènes sanglantes.

Le cauchemar de Lynch

Poursuivant mon errance sur le Criterion Channel, j’ai découvert un documentaire formidable et fascinant; David Lynch : The Art Life (2016) réalisé par Jon Nguyen, Rick Barnes et Olivia Neergaard-Holm. Un documentaire qui dresse cette fois-ci le portrait du peintre et non du cinéaste. J’y ai rencontré un personnage envoûtant, un amoureux des images lugubres et des textures visqueuses ainsi qu’un incontestable artiste. C’est un film qui donne envie de créer, de prendre les crayons et les pinceaux, un film qui nous plonge dans la créativité pure d’un esprit sauvage et énigmatique. C’est un documentaire nécessaire pour les fans de David Lynch! On y retrouve d’ailleurs quelques-uns des premiers courts-métrages du réalisateur, dont l’excellent The Grandmother (1970).

Film expérimental qui mélange la peinture, l’animation et la vidéo, il raconte l’histoire d’un jeune homme qui, fuyant des parents anormaux et violents, sème une graine qui grandit pour devenir une grand-mère. Une réalisation ultra originale qui m’a laissé bouche bée. Vous pourrez aussi voir ou revoir le singulier Eraserhead (1977) et le magnifique Twin Peaks : Fire Walk with Me (1992).

Les premiers pas du vampire au cinéma

De l’univers étrange de Lynch, je me suis ensuite lancé dans le visionnement d’un des plus vieux films de genre du cinéma, Nosferatu (1922) de F.W. Murnau. Adaptation cinématographique du roman Dracula de Bram Stoker, ce film est une balise importante du cinéma d’horreur et possède une place considérable dans l’histoire du cinéma expressionniste allemand, aux côtés de Metropolis (1927) de Fritz Lang et The Cabinet of DR. Caligari (1920) de Robert Wiene, tous deux disponibles sur le Criterion Channel. Le film de Murnau raconte la rencontre troublante entre Max, un jeune agent immobilier, et le Comte Orlok qui vit dans un château lugubre et reculé. Apercevant la photo de la fiancée de Max, Orlok devient rapidement obsédé par ce qu’il décrit comme « une délicieuse nuque ». La qualité de la cinématographie y est remarquable, surtout lorsqu’on prend en considération l’année de production.

La définition même du mot drôle

Après un film sombre où les paroles sont transposées sur des intertitres, je me suis retrouvé à visionner un film bavard et hilarant, Night on Earth (1991) de Jim Jarmusch. Icône du cinéma indépendant américain, Jarmusch nous plonge dans 5 histoires de taxi qui se déroulent durant la nuit dans 5 grandes villes; Los Angeles, New York, Paris, Rome et Helsinki. Dans chaque taxi, un conducteur singulier rencontre un passager particulier, créant ainsi une rencontre improbable et des conversations extraordinaires. On y retrouve entres autres la jeune et fringante Winona Ryder (mastiquant sa gomme avec énergie et fumant de manière compulsive), le burlesque Roberto Benigni (qui est incapable de s’arrêter de parler) et l’imperturbable Isaach De Bankolé (qu’on retrouvera plus tard dans The Limits of Control en 2009). Tout ça, soutenu par la musique unique de Tom Waits. C’est assurément un must dans la filmographie de Jarmusch.

Kassovitz et la violence

Je me suis ensuite déplacé en France où j’ai découvert Assassin(s) (1997) de Mathieu Kassovitz, le réalisateur de La haine (1995). Assassin(s) raconte l’histoire de Max, un voleur notoire, sans histoire, qui se retrouve à devenir l’élève d’un vieux voleur qui cherche à passer le flambeau au fils qu’il n’a jamais eu. Ce film offre une réflexion très intéressante sur la violence, sur les écrans ainsi que sur la culture populaire. Un film dans lequel l’ennui et le manque de repères pour la jeunesse française de la fin des années 90 laissent place à une violence injustifiée, gratuite et dénuée de fondements émotifs et psychologiques. Les jeux vidéo et la télévision façonnent des jeunes incapables d’avoir une pensée critique et une vision censée du monde dans lequel ils vivent. Un film à ne pas bouder, assurément!

Connaître les classiques

J’ai ensuite reculé dans le temps et je suis retourné aux États-Unis pour visionner un film noir des années 50, In a Lonely Place (1950) de Nicholas Ray. Bon, il est certain que le jeu d’acteur et la mise en scène ont beaucoup évolué en 70 ans. Mais l’intérêt pour les vieux films ne vient-il pas justement de là? C’est la curiosité qui définit le vrai cinéphile du faux. Dans ce récit qui prend place à Hollywood dans les années 50, un scénariste talentueux (Humprey Bogart), mais sur son déclin, devient le principal suspect du meurtre d’une jeune femme qu’il a été le dernier à avoir vu. Sa nouvelle voisine (Gloria Grahame) devient son alibi et éventuellement, sa nouvelle conquête. Or, sa nouvelle voisine, éperdument amoureuse, tente si fort de prouver que ce n’est pas lui le coupable qu’elle découvre un côté sombre en lui, un côté violent. Un film surprenant par sa fin très pessimiste qui frappe fort à une époque où le Happy End est une convention indiscutable.

Criterion offre 14 jours d’essai gratuit. J’espère qu’en ce temps de confinement, vous y trouverez votre bonheur. Je vous reviens prochainement avec mes prochaines découvertes. Au menu: les frères Dardenne, Abbas Kiarostami, Wong Kar-Wai, d’autres Jarmush et peut-être un Kurosawa (Akira).

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *