Discount: Que le meilleur gagne !

France, 2015

Note : ★★★ 

Premier film de Louis-Julien Petit, Discount s’inscrit dans la lignée des comédies anglo-saxonnes par l’humour et la forme. Il narre le parcours insolite des employés d’un hypermarché discount, qui décident de s’unir pour contrer la décision de la direction d’implanter des caisses automatiques. Ils iront jusqu’à créer leur propre magasin alternatif qui proposera à la vente les invendus récupérés dans l’établissement où ils travaillent.

L’histoire s’inspire d’un fait divers de 2011 qui avait défrayé la chronique dans le nord de la France. Accusée du vol d’un coupon de réduction oublié par un client, une caissière, Anne-Marie Costa, avait été congédiée. Après avoir rencontré cette femme positive et souriante, le réalisateur a décidé d’orienter son film vers la comédie sociale. Le ton est alors donné. En effet, l’humour bien présent est là pour dépeindre une réalité sombre et souvent injuste. Les employés du discount gagnent un salaire de misère malgré des conditions de travail insupportables : horaires variables dans une même journée, retrait des chaises aux caisses pour maximiser le rendement, abolition des acquis, etc. Certains emplois devant être supprimés dès la mise en place de caisses en libre service, la directrice (convaincante Zabou Breitman) décide d’instaurer un climat de compétitivité entre ses salariés. Ils seront dès lors chronométrés à leur poste de travail mais aussi au cours de leurs allées et venues aux toilettes, une variable qui fluctue en fonction du sexe de la personne. Souvent les traits sont exagérés et les situations poussées à l’extrême pour mieux rire de leur ridicule, et dans l’ensemble, ça fonctionne.

Que le meilleur gagne!

Discount : Photo Corinne Masiero
Copyright Wild Bunch Distribution

La direction génère ainsi des tensions inutiles qui poussent les salariés à inventer une solution alternative plutôt que d’essayer de sauver leur gagne-pain. De fait, ils aménageront une épicerie solidaire pour contrecarrer la destruction de produits arrivant à expiration et ainsi proposer des prix défiants toute concurrence aux plus démunis. Grâce au bouche à oreille, les gens viendront profiter des aubaines, sans se soucier de l’origine des articles, mais seulement de l’intérêt de leur porte-monnaie. Quant aux salariés, ils n’ont pas mauvaise conscience car les denrées alimentaires sont périmées. Il n’est pas alors pas question de voler, mais de « prendre » comme le soulignera un personnage du film parlant de « rébellion positive, d’acte de résistance citoyenne”.

Si le réalisateur a le mérite de s’intéresser à la redistribution de nourriture (les chaînes de supermarchés veulent bien donner, ne pas gaspiller, mais sans que ça ne leur coûte rien), ne lui prêtons pas des intentions qui ne sont pas les siennes en parlant d’un film citoyen ou militant. Qu’on se le dise, le seul et unique engagement social reste de loin celui des gens qui ont cru au projet: les 184 coproducteurs ou ambassadeurs de touscoprod.com, la première plate-forme de financement participatif. Toutefois, malgré une mise en scène convenue (on oserait dire au rabais) loin de la représentation des Grandes Galeries parisiennes sous l’œil aiguisé et critique de Cédric Klapisch (Riens du tout), le film puise sa force dans l’opposition robot/homme, symbolisée par ce plan de périphérique où les voitures affluent de toutes parts. De plus, le réalisateur capte adroitement cette hypocrisie du monde de la vente, où le client est roi et où on vire l’employé avec le sourire, sourire qu’il doit lui aussi continuer d’afficher. On pense à cette affiche au mur avec le slogan SBAM (sourire/bonjour/au revoir/merci) que tout associé à la vente connaît par cœur, tel un mantra permanent qui s’apparente plus à celui d’une machine qu’à celui d’un être humain. Assez bien écrit, le film ne fait pas dans l’explicatif et n’impose pas de jugement sur ses personnages. Par exemple, le rôle de la directrice est nuancé entre l’absence de relation amoureuse (dont s’occupe activement sa mère) et la pression constante exercée par ses patrons qui annihile la moindre parcelle d’humanité existante dans ce genre de magasin.

Discount : Photo Zabou Breitman
Copyright Wild Bunch Distribution

En fait, c’est l’humour qui parfois, tout comme les produits, arrive à expiration. 

Ce n’est pas la faute des acteurs qui s’en sortent plutôt bien. Certes, Corinne Masiero cabotine dans le rôle d’une femme soupe au lait au caractère bien trempé (même si elle le fait bien) quand Sarah Suco surjoue par moments incarnant une jeune maman folle amoureuse de son collègue (solide Olivier Barthélémy). Toutefois, l’ensemble de la distribution, uni par une solidarité collégiale mixte, séduit le spectateur, apportant plus de cohérence au propos.

Avec Discount, Louis-Julien Petit réalise un film drôle, bien que caricatural, qui se solde par une avalanche de situations secondaires souvent maladroites mais à l’énergie toujours spontanée. Prenons-le pour ce qu’il est : un bon divertissement un peu trop pressé de jouer dans la cour des grands dont le cousin Ken Loach (I, Daniel Blake), lui, dissimule derrière l’humour des émotions beaucoup plus profondes et complexes qu’il n’y paraît.

Durée: 1h45

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