À première vue, Brian De Palma semble n’être que l’enfant-faible de la génération des Coppola, Scorsese, Spielberg, Cimino et Lucas, ou seuls sortent quelques immenses succès au box-office : Carrie en 1976, Scarface en 1983, The Untouchables en 1987 et Mission:Impossible en 1996. Pourtant, de cette génération, il est celui qui a construit l’une des œuvres les plus cohérentes.
Née en 1940 dans le New Jersey, Brian Russell De Palma, influencé par son frère, un brillant étudiant en science, se prédestine à suivre les traces de celui-ci. C’est durant ses années à université qu’il découvre la puissance que le cinéma peut avoir, entre autre avec le visionnement de Vertigo d’Alfred Hitchcock. De ses études scientifiques, il en gardera une approche méthodique, presque clinique, qui caractérisera plusieurs de ces long métrage. Entre 1960 et 1968, il réalise une dizaine de court métrage en 16 mm. En 1968, il réalise trois longs métrage, Murder a la Mod, Greetings et The Wedding Party (les deux derniers marquent également les premières apparitions à l’écran de Robert DeNiro). Greetings fut présenté au festival du film de Berlin où il remporte l’Ours d’Argent. En 1970, De Niro reprend son rôle de John Rudin, qu’il jouait Greetings, pour le film Hi! Mom. Le succès d’estime que ses quatre premiers long-métrages remportent dans le circuit des salles d’art et d’essai lui ouvre les portes Hollywood. Get To Know your Rabbit, réalisé en 1972 et produit par la Waner Bros., fut un échec considérable, loin des thématiques Depalmiennes, il n’est que le produit d’un studio qui essaya de formater un cinéaste talentueux.
Amer de son expérience il tourne hors des studios Sisters, premier film où l’esthétique de ses chef-d’œuvre des années à venir se met en place. En 1974, il tourne Phantom of The Paradise, version moderne de Faust, transposé dans l’univers de la musique. Les parallèles entre son aventure hollywoodien et la trajectoire du héro sont plus qu’évidente. Enfant légitime d’Alfred Hitchcock, il lui rend hommage a Vertigo dans Obsession tourné en 1976.
1976 marque aussi sa première grande rencontre avec le public, adaptation qu’il fait du roman de Stephen King Carrie, fut encensé par le critique et cartonne au box-office. Sissy Spacek (Carrie) et Piper Laurie (la mère de Carrie) furent nominées aux oscars (meilleur actrice et meilleur actrice de soutient), ce qui est relativement exceptionnel puisque seulement à trois reprises des comédiens furent récompensés pour des rôle dans un film d’horreur (Ruth Gordon pour Rosemary’s Baby en 1968, Ingrid Bergman pour Gaslight en 1944 et Frederic March pour Dr Jekyll et Mr Hyde en 1931). En 2010, Stephen King, dans une entrevue qu’il accordait au Florida Weekly, considérait que Carrie était l’une des meilleurs adaptations cinématographiques de l’un de ses romans.
C’est dans les années quatre-vingt que le style »de Palma » deviendra le plus maîtrise et raffiné. Importance lié aux sons et à l’image primera sur l’originalité du scénario. Dressed to Kill, n’est qu’une variation sur Vertigo, déjà exploité dans Obsession. Blow Out quant à lui, est une hommage à The Conversation de Coppola, Blow Up d’Antonioni et Rear Windows d’Hitchcock. Il reprendra, quelques années plus tard, le pattern de Rear Window dans Body Double. Scarface est un remake décalé du classique d’Howard Hawks et The Untachables, une adaptation cinématographique d’une série télé des années soixante. Mais où se joue l’originalité de De Palma, c’est dans ses angles de caméra, il place toujours sa caméra là où on s’y en attend le moins. Tout est, comme chez le maître du suspense, adroitement calculé. Blow Out raconte l’histoire d’un homme obsédé par les sons, c’est peut-être par ce personnage que DePalma a son plus fidèle alter-ego à l’écran, qui lui est obsédé par le cadrage parfait.
Cette décennie de grâce prend brutalement fin avec The Bonfire of the Vanities, le plus gros échec de sa carrière. Rien ne marche dans ce film raté, mais Get to Know your Rabbit, qui est renié par son auteur, est plus réussit que Bonfire of the Vanities. Avec un budget de 47 millions, il ne récoltera qu’un maigre 15 millions au guichet et il finira sa descente avec 5 nominations aux Razzie Award. Il surfe sur l’immense succès lié à Scarface pour Carlito’s Way, encore avec Al Pacino dans le rôle titre, mais sans le succès de leur première collaboration. En 1996, il tourne le premier volet des Mission Impossible, se qui est aujourd’hui son plus gros succès au box-office. Il pourrait être vu comme un simple film de commande par un studio, mais quand on s’y attarde un peu, il y a les traces des obsessions du réalisateur, la question du double et du faux-semblant, cher à l’auteur de Sisters et de Dressed to Kill, est au cœur du dénouement de Mission:Impossible et techniquement se film se rapproche de la perfection des chefs-d’œuvre des années quatre-vingt.
Il commence la décennie deux-mille avec une incursion dans la science fiction (Mission to Mars), si ce n’est pas un grand film, n’est pas un échec pour autant. Femme Fatale en 2002, The Black Dahlia en 2006 et Redacted en 2007 charme les critiques mais ne réussit pas a trouvé son public.
Il revient cette année avec Passion, remake de Crime d’Amour d’Alain Corneau. Sortie en 2012 en Europe, il est encensé par les critiques, mais en Amérique, il ne sortira qu’en VOD au début du mois de Septembre 2013, et sur quelques écrans à partir du 20 septembre, dont aucune au Québec. Ce qui amène à me questionner sur l’espace que l’on laisse au maître du cinéma encore en activité. Killing Joe de Friedkin, Twixt de Coppola et aujourd’hui Passion de De Palma ne semble plus avoir de place sur nos écran. Le Friedkin et le Coppola ne tenure l’affiche que durant une semaine et cela même si une critique favorable les accompagnaient. Et ce n’est vérifiable pas seulement chez les américains, mais chez les grands réalisateurs d’avant : on semble plus excité a voir l’épisode de Mad Men réalisé par Barbet Schroeder que par son plus récent film Inju, Film Socialiste de Godard, tout comme Une fille coupé en deux de Chabrol, 36 vues du pic Saint-Loup de Rivette et Les Amours dAstrée et de Céladon de Rohmer n’ont pas eu le droit a leur écran québecois lors de leur sorti. C’est une tendance qui depuis une dizaine d’année devient de plus en plus observable ….