États-Unis, 2023
Note : ★★★ 1/2
Le cinéaste américain revient en force avec un film fidèle au style qu’il a développé. Avec TOUS ses acolytes habituels (sans Murray et les Wilson), Anderson réalise un long métrage, qui pour la première fois en plus de dix ans, semble avoir un propos un peu plus engagé. Bien que subtil, le réalisateur semble se mouiller, et nous ne nous en plaindrons pas. Incontournable si vous êtes fan, à visiter si vous êtes indifférent, à fuir si vous n’aimez pas l’esthétique Wes Andersonnienne.
Synopsis
Dans le désert américain, plusieurs familles se réunissent en support de leur adolescent le temps d’une convention de Stargazer Juniors. Le premier soir de l’événement, une apparition viendra changer le cours de l’histoire, petit et grand H.
Un générique jamais vu
La réputation de Wes Anderson n’est plus à faire et les stars, acteurs et actrices de talent semblent courir pour collaborer avec lui. Asteroid City récolte le plus grand nombre d’étoiles au tableau : Tom Hanks, Scarlett Johansson, Tilda Swinton, Jason Schwartzman, Bryan Cranston, Edward Norton, Adrien Brody, Steve Carell, Matt Dillon, Willem Dafoe, Maya Hawke, Jeffrey Wright, Margot Robbie, Rupert Friend, Liev Schreiber, Rita Wilson, Hope Davis, Bob Balaban, Hong Chau et Jeff Goldblum. Tous tirent leur aiguille de cette botte de foin d’interprètes hors pair. Comme toujours chez Anderson, le temps d’écran n’est pas un indicateur pour marquer les spectateurs et spectatrices. Dans ce film, Jeff Goldblum est l’incarnation parfaite de cette affirmation, n’ayant qu’une seule ligne qui vous fera rire aux éclats.
Dans un désert, mais riche
La prémisse de ce onzième long métrage, coécrit avec son partenaire habituel Roman Coppola, se rapproche de Moonrise Kingdom (2012), mais dépasse le portrait adolescent. Les coscénaristes ratissent plus large puisque le film fait le portrait d’une Amérique paradoxale. Si Asteroid City se déroule dans le passé, ce qui y est dépeint, est toujours d’actualité. Du racisme jugé banal au rapport à la culture. Un peu comme son esthétisme cinématographique, le cinéaste américain développe son propos par l’accumulation. Ainsi, il montre et met en scène à peu près tout ce qui est caractéristique des États-Unis. S’enchaînent alors des personnages conservateurs et armé (Tom Hanks), croyants (Maya Hawke en institutrice), athées, scientifiques (dont Tilda Swinton), militaires (dont Jeffrey Wright), racistes latents (Steve Carell), stars hollywoodiennes (Scarlett Johansson), autochtones, cowboys (Rupert Friend), musiciens jazz, avocats, paper boys, garagistes (Matt Dillon)… Même le Road Runner (Bip Bip) fait des apparitions. Les lieux iconiques et moyens de transport de l’imaginaire américain se succèdent : le désert, un classique restaurant style diner, motel avec machines distributrices, un garage des années 50s, de multiples voitures style Ford, le train, véhicules militaires et un bus Greyhound. Du côté des thématiques, ils abordent : la guerre, le nucléaire et la bombe atomique, le contrôle politique, la force militaire, les théories du complot, les extra-terrestres, la politique, l’opposition science-religion, le théâtre américain, le développement économique de l’Ouest, la télévision, le cinéma, l’homosexualité chez les artistes, le deuil, l’éducation et le racisme.
Évidemment, cette accumulation dans un 104 minutes bien chargé ne permet pas un développement en profondeur, mais leur addition permet un constat humain et politique sur les États-Unis. Fidèle à leur univers comique, Anderson et Coppola ne s’engagent pas dans une dénonciation, mais choisissent la posture de l’exposition, laissant aux spectateurs et spectatrices le soin de porter un jugement quelconque sur les agissements des personnages. On pense ici au traitement de la famille américaine-asiatique par le propriétaire du Motel (Carell).
La réalité… dans la pièce… à la télé
Anderson s’est souvent amusé avec la forme cinématographique, ici, il s’amuse surtout avec la mise en abîme. Le film est divisé en actes et en scènes –cartons à l’appui–, mais on y trouve aussi une pièce de théâtre, dont le titre est Asteroid City, diffusée dans le cadre d’une émission télévisée (animée par Bryan Cranston). Ce dernier nous montre également, dans cette émission, les dessous de la création théâtrale, souvent dans un style de sitcom. Ainsi, trois registres se retrouvent dans le film d’Anderson, ajoutant à l’accumulation visuelle, thématique, de références et d’interprètes déjà mentionnés. Asteroid City, le film, c’est trois temporalités misent en scène : l’émission télé, la création de la pièce et la pièce elle-même. Les deux premiers sont en noir et blanc, créant ainsi une certaine distance avec la diégèse principale, alors que l’histoire principale (la pièce) est en couleur. Pour ajouter encore au plaisir de l’accumulation, le réalisateur fait différents clins d’œil au cinéma avec quelques scènes de style western et de poursuites policières.
Asteroid City trouvera certainement son public parce qu’il allie le pouvoir d’attrait de ses interprètes vedettes avec une histoire bien plus intéressante et grand public que The French Dispatch, dernière offrande du cinéaste. La magie et l’humour opèrent, il ne faut donc pas bouder son plaisir en ce début d’été.
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Durée : 1h44
Crédit photos : Focus Features