Antoine Fuqua

Antoine Fuqua – faiseur d’images justes ou  juste d’images? Notes vulgaires sur un auteur éparpillé.

Antoine Fuqua est assurément un nom audacieux à partir duquel extirper une vision d’ensemble. Jamais associé au cinéma d’auteur à proprement parler ni spontanément au Vulgar Auterism,  Fuqua ne semble pas avoir un nom ou une sensibilité qui mérite que l’on s’attarde à son corpus. Si l’on se penche sur  les films tels que Training Day ou encore l’excellent The Equalizer récemment, il fait belle figure dans un cinéma d’action solidement  exécuté et réfléchi. Par contre, si l’on regarde davantage les Olympus has Fallen ou King Arthur, il semble sans grands repères thématiques et plutôt brouillon dans l’exécution de scénarios sans grande impulsion. Néanmoins, il possède bel et bien une signature authentique de laquelle transpirent plusieurs thématiques et obsessions qui rendent son cinéma  autrement plus digeste et intrigant que ce que l’analyse de surface pourrait nous apporter.

Police partout. Justice nulle part?

Que ce soit dans Training Day ou Brooklyn’s Finest, la ville telle que représentée par Fuqua est sombre, menaçante. Elle semble à un cheveu d’échapper à tout contrôle de la société et devant cet état de fait, la violence, une thématique de choix chez Fuqua, prend rapidement le contrôle en étant omniprésente dans cette société. Utilisé par les éléments néfastes pour subvenir à leur fin autant que par les forces de l’ordre comme dernier rempart avant le chaos, elle est autant outil de divertissement (Olympus has Fallen, The Equalizer, Shooter) qu’élément narratif essentiel (King Arthur, Brookyln’s Finest).

Brooklyn's Finest
Brooklyn’s Finest

En effet, pour Antoine Fuqua, la justice prime sur tout, qu’elle soit légitime ou non. Le  sens de l’honneur est au coeur des personnages et de son œuvre; Ethan Hawke dans Training Day, Richard Geere dans Brooklyn’s Finest, Gerard Butler dans Olympus has Fallen, Clive Owen dans King Arthur… Les personnages de ses films agissent selon l’intérêt commun et supérieur du peuple. Fuqua ne se gêne pas pour montrer des serviteurs du peuple qui ne semble pas suffisamment reconnu à ses yeux; Ethan Hawke qui peine à joindre les deux bouts dans Brooklyn’s Finest, Gerard Butler abandonné par les services secrets dans Olympus has Fallen… L’héroïsme ordinaire a toujours la cote, encore plus dans le très détonant King Arthur.

Non seulement Fuqua se porte à la défense des serviteurs du peuple, mais sa main vengeresse se charge aussi de punir ceux qui veulent mettre la main dans la caisse collective; Denzel Washington dans Training Day, Don Cheadle et Ethan Hawke dans Brooklyn’s Finest, Dany Glover dans Shooter… On glorifie les héros et punit les parias. Le Sacrifice personnel (King Arthur, Olympus has Fallen) prime avant tout, davantage dans une vision traditionaliste américaine du sens du devoir et des responsabilités que dans une vision communautarisme contemporaine d’entraides de ses pairs. Même si les deux visions semblent parfois floues, Fuqua veut extirper l’homme de son état de nature par tous les moyens, ce dernier étant toujours une catastrophe

À ce sujet, sa confiance en la justice transcende la vision simple de l’état censé représenter cette justice. Si on voit le respect qu’il porte parfois aux soldats et aux forces de l’ordre, Fuqua dénote aussi les franches limites de ceux-ci et le devoir des hommes de prendre en charge la justice lorsque l’état en est incapable. Dans Olympus has Fallen, c’est Gerard Butler, dans The Equalizer, c’est Denzel Washington… Et quand le gouvernement échoue à rétablir la justice dans Shooter, c’est Mark Wahlberg qui s’en charge! L’état est la représentation du peuple, mais englobe aussi tous ceux qui composent ce peuple. Les choix individuels peuvent avoir des répercussions collectives considérables et quand la situation l’oblige, l’individu chez Fuqua, de King Arthur à The Equalizer, prend la route du service public sans hésiter.

The Shooter
The Shooter

Fuqua vs. le Vulgar Auterism

Dans une certaine mesure, il est logique d’accoler l’étiquette d’auteur vulgaire (vulgar auterism) à l’oeuvre et au style de Fuqua. Défini par Adam Cook et adopté par plusieurs participants au site Mubi (https://mubi.com/topics/vulgar-auteur-ranking) et quelques critiques de la nouvelle génération, le vulgar auterism se résume en un cinéaste qui oeuvre surtout dans le domaine populaire en faisant des films de divertissement de masse, mais qui maintient néanmoins une continuité thématique et esthétique dans son corpus malgré le caractère apparemment vulgaire et primaire de son oeuvre.

Chez Fuqua, on dénote en effet un souci du détail certain dans la composition d’images travaillée (voir léchée) et plutôt tape-à-l’œil de son esthétique, on. Parfois splendide (King Arthur) elle peut se révéler excessive lorsque le sujet n’incite pas à une telle démonstration photographique (The Equalizer). Son utilisation du son le rapproche également de certains auteurs associés au Vulgar Auterism, nommément Michael Bay. La musique lourde et dramatique est omniprésente chez Fuqua, même lorsque la situation est très banale. Elle accentue le climat de tension et d’inquiétude, voire le crée lorsque les scénarios sont plus faibles (Olympus has Fallen, King Arthur). Fuqua n’est pas un grand partisan du réalisme; il est conscient du caractère spectacle et divertissant du cinéma à l’image des cinéastes vulgaires. Il n’a qu’à voir pour s’en convaincre la scène où Denzel Washington liquide une bande mafieuse au grand complet à l’aide d’outils de toute sorte dans The Equalizer

Olympus has Fallen
Olympus has Fallen

C’est donc néanmoins avec une continuité esthétique incertaine, mais un ensemble thématique clair que Fuqua fait son chemin depuis plus de 15 ans. Sans jamais déroger de ses points de repère, même lorsqu’il s’aventure dans des films au registre totalement opposé (King Arthur), la sortie de Southpaw le 24 juillet prochain qui a déjà reçu quelques échos plutôt favorables sera l’occasion idéale de mettre en relief son corpus avec de nouveaux éléments qui semblent à premières vues bien différents thématiquement.

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