Etats-Unis, 2019
Note : ★★★
Nouveau long-métrage de James Gray, Ad Astra représente la première incursion du cinéaste new-yorkais dans le genre de la science-fiction. Si le contexte du récit est inédit, le réalisateur-auteur continue néanmoins d’explorer ses obsessions thématiques habituelles. Le tout en rendant à nouveau hommage à l’un de ses maîtres, Francis Ford Coppola, en proposant ici une relecture interstellaire et personnelle d’Apocalypse Now (1979).
Astronaute chevronné, Roy McBride (Brad Pitt) s’est progressivement coupé de sa femme et de tout lien affectif pour se consacrer corps et âme à son travail aliénant. Selon ses dires, une vie dans les étoiles ne saurait s’embarrasser de problèmes terrestres dérisoires. Or un jour, son commandement l’informe que son père, astronaute disparu il y a trente ans lors d’une mission interstellaire, pourrait être toujours en vie. Dirigeant à l’époque une base spatiale aux abords de Neptune, son père Clifford McBride (Tommy Lee Jones) pourrait également être à l’origine d’une série de secousses électriques qui mettent en péril la survie de la Terre. Roy reçoit alors l’ordre de rétablir le contact avec son père disparu et potentiellement mettre un terme à cette menace venue des astres.
S’entame alors un voyage vers l’inconnu céleste où le lien émotionnel inhérent à la mission va venir troubler son bon déroulement pour Roy. Le cinéma de James Gray parle essentiellement de scissions familiales, de choix de vies divergents et de communication rompue entre les différents membres qui composent ces familles. Ad Astra ne fait pas exception et propose une relecture science-fictionnelle d’Apocalypse Now pour aborder le sujet délicat de la relation père-fils. La filiation avec le film de Francis Ford Coppola est assez rapidement établie. Le mélange de fascination et de répulsion que Roy éprouve à l’encontre de son père, la voix-off qui souligne les états d’âme du protagoniste, la mission périlleuse qui s’ensuit… Le parallèle est évident. Mais malgré ce postulat de départ alléchant, le film de James Gray montre vite ses limites.
L’un des premiers problèmes d’Ad Astra est sa structure scénaristique. Le film est un enchaînement de péripéties isolées sans véritable lien apparent entre elles. Beaucoup de personnages apparaissent et disparaissent de manière inconséquente. De fait, James Gray a parfois bien du mal à rendre l’ensemble de son récit cohérent. Ces défauts d’écriture nuisent ainsi considérablement à la fluidité narrative. Le film s’appuie aussi trop souvent sur des ellipses ou sur la voix-off dans le but de faire avancer précipitamment le récit au détriment de la dramaturgie et du réalisme. L’aspect scientifique n’est clairement pas l’intérêt principal du cinéaste et la suspension d’incrédulité du spectateur est régulièrement troublée par l’improbabilité de certaines situations.
Car ce sont les liens familiaux brisés qui intéressent James Gray, et ce depuis son premier film Little Odessa (1994). Sauf qu’ici la relation père-fils est traitée de manière un peu maladroite et les retrouvailles finales ne sont pas le pinacle émotionnel qu’elles devraient être. La dimension psychanalytique du récit semble quelque peu artificielle et manque ainsi sa cible. La voix-off et les dialogues ne cessent d’appuyer et de surligner ce que le spectateur avait déjà compris avec la mise en scène. L’introspection du personnage incarné par Brad Pitt apparaît dès lors redondante et provoque une mise à distance émotionnelle regrettable. L’acteur fait de son mieux pour incarner ce protagoniste dont la carapace se fissure progressivement. Mais la palette de jeu de Brad Pitt semble relativement limitée par le scénario.
Ad Astra n’est néanmoins pas dénué de qualités. La mise en scène élégante de Gray conjuguée à la photographie somptueuse d’Hoyte Van Hoytema (Interstellar, Dunkerque) donnent aux scènes spatiales une grâce sidérante. La course-poursuite sur la Lune, les errances dans les infrastructures souterraines sur Mars et l’arrivée aux abords de Neptune sont des séquences qui touchent véritablement au sublime. Lors de ces passages, le film parvient à atteindre l’alchimie idéale entre émotion et grand spectacle. Malheureusement, tout le film n’est pas du même acabit. Dommage car après une formidable relecture du film d’aventures à l’ancienne en 2017 avec Lost City of Z, on attendait beaucoup de la première incursion de James Gray dans le genre de la science-fiction. Mais si le film atteint son objectif interstellaire, il rate le cœur du spectateur.
Durée 2h03