Zodiac Killer Project : Lorsque le true crime se replie sur lui-même

États-Unis, Royaume-Uni, 2025
★★★1/2

À l’ère où le documentaire true crime est encore le style le plus en vogue sur les différentes plateformes de streaming, le réalisateur Charlie Shackleton propose une œuvre épousant parfaitement les codes du genre, présentant l’une des histoires criminelles les plus connues des États-Unis : l’insatisfaisante chasse à l’homme du tueur du Zodiaque s’étant déployée à la fin des années 60.

Malheureusement, après avoir perdu les droits du livre constituant sa source principale, le documentariste se retrouve devant un projet avorté qui ne pourra voir le jour; le résultat est Zodiac Killer Project, documentaire où, à défaut de livrer le produit très formaté qu’il avait en tête, le réalisateur décortique son plan d’origine, s’interrogeant plutôt sur la formule désormais trop conventionnelle de ce genre de films et séries.

Dès l’introduction de l’œuvre, l’exploration de l’univers très codé des true crime et le détachement critique acéré de l’équipe de tournage sont palpables. On comprendra bien rapidement que l’intrigue du Zodiaque en elle-même est accessoire, l’objet réel du film étant d’identifier, pour mieux renverser, les conventions du genre.

Les commentaires éditoriaux du réalisateur, tout au long du film, fonctionnent à leur plein potentiel lorsqu’ils sont accompagnés de montage d’archives où on constate le nombre effarant de true crime faisant l’apanage de la même formule sans trop de variations. Cela étant dit, lorsque le narrateur évoque avec passion ces idées qu’il aurait voulu voir dans son film, on peut comprendre pourquoi celui-ci n’a pas vu le jour dans sa prétendue forme originelle. Le résultat aurait été alambiqué, cliché, et n’aurait pas eu de charme.

On parvient généralement dans le documentaire à bien explorer le concept, malgré la structure formelle assez limitée. Comme la mise en scène consiste uniquement en de longs panoramiques suivis de zoom manuels sur des points vides à l’horizon, on aurait rapidement pu ressentir une lassitude au fil du visionnement. Mais la narration est tout de même assez dynamique, et chaque séquence, en plus de bien raconter l’intrigue du tueur du Zodiaque, s’affaire à présenter les codes propres à une partie bien précise de la structure narrative d’un true crime. On traitera des courts montages introductifs donnant l’impression d’une bande annonce de mauvaise qualité, puis on se moquera des différents codes tels les tics de montage, de mise en scène et de musique qu’on associe à beaucoup trop d’œuvres de ce genre.

Si elle s’étire un peu trop dans son dernier acte, la proposition de Charlie Shackleton a le mérite d’être complètement originale dans son approche. Le choix de présenter l’histoire du Zodiaque, associée justement à une enquête de longue haleine n’ayant pas abouti à un résultat satisfaisant pour ceux qui l’ont menée, est par ailleurs l’intrigue parfaite pour ce scénario où une équipe de tournage n’arrive pas à voir son projet venir à terme. L’œuvre finale est un joli ovni qu’il est bon de visiter, ne serait-ce que pour se conscientiser sur les nombreuses techniques de manipulation paresseuses utilisées dans un trop grand nombre de true crime actuels.

***
Ce film a été vu dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma 2025.
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Durée : 92 minutes
Crédit photos : Music Box Films

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