Le nouveau film du cinéaste italien Paolo Sorrentino, Youth, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, est une version mineure, quoique divertissante, de son précédent film oscarisé Grande Bellezza (2013). En revanche, Michael Caine et Harvey Keitel sont au sommet de leur art. ♥♥♥½
Un réputé compositeur britannique ( Michael Caine ) à la retraite, Fred Ballinger, passe des vacances paisibles dans un hôtel de rêve au pied des Alpes. Il passe son temps en compagnie de son fidèle ami Mick ( Harvey Keitel ), un cinéaste américain vieillissant. Ce dernier a réuni autour de lui cinq jeunes scénaristes attelés à l’écriture de son prochain film, « Le dernier jour de la vie », destiné à être interprété par son actrice fétiche, Brenda Morel ( Jane Fonda ). Malgré son statut de retraité, il doit sans cesse rejeter les demandes de la royauté de mener une performance spéciale de son classique « Simple songs ». Tout comme il refuse de rédiger ses mémoires, au grand dam de sa fille et assistante ( Rachel Weisz ), laquelle vient d’apprendre que son mari la quitte pour une chanteuse populaire. On y retrouve également la présence d’un acteur hollywoodien ( Paul Dano ), une cynique victime de la popularité qui se prépare pour un rôle historique dans un film allemand. Les journées passent, mais se ressemblent pour Mick et Fred qui se promènent dans les fastueux paysages livides, se plaignant de leurs problèmes de prostate ou admirant la beauté de l’actuelle Miss Univers ( Madalina Diana Ghenea ) qui a gagné un séjour ici. À travers leurs discussions, ils sentent bien que leur temps est compté.
Youth: Derrière le décor pittoresque, se retrouvent des acteurs remarquables
Ceci étant dit, Youth est peaufiné d’idées comiques et d’images plus élégantes que jamais. Il y a des fioritures brillantes que seul Sorrentino peut concevoir: des superbes mouvements de caméra, des plans-tableaux, des visages grotesques et des contrastes de couleurs éblouissants. Sur le plan formel, le résultat est fascinant à scruter. Cependant, les thèmes de la réflexion du temps qui file et la jeunesse enfuie apparait moins engageants que dans son œuvre antérieur – avec son air misanthropique, tandis que le discours actuel de l’art se complait dans la nostalgie. Cette soi-disant jeunesse évoquée est surtout celle des jeunes femmes et de leurs corps, dont l’allure ne se fane jamais pour les hommes à mesure qu’ils vieillissent.
Les performances des interprètes, triés sur le volet, sauvent toutefois la mise. Jane Fonda étonne en diva flamboyante et cynique, tandis que Rachel Weisz, dans le rôle de la fille trahie du chef d’orchestre, fait preuve de son habituel charisme. Mais le film appartient véritablement aux vétérans Michael Caine et Harvey Keitel, tous deux d’une présence et d’un naturel remarquables. Par ailleurs, le personnage de Caine évoque sans contredit, par son air ennuyé, au collaborateur de longue date de Sorrrentino, Toni Servillo ( Grande Bellezza, Il Divo). Toutefois, Caine apporte à Youth, une touche différente appuyée par son charme paternel.
Hôtel cinq étoiles mais sans âme
Si seulement le film n’était pas abandonné dans cet hôtel aux allures mystiques. Lorsque l’action se transporte dans les souvenirs et fantasmes de Venise, où Fred dirige un orchestre, Youth devient soudainement vivant par le mouvement. Même une courte scène avec Jane Fonda qui perd son sang-froid dans un avion libère les esprits. Ses échappées aident à dériver autour des installations pittoresques de cette somptueuse prison à ciel ouverte, mais sans la moindre âme. En d’autres termes, il y a trop peu de choses qui se passent outre cet arrière-plan lumineux.
Tout ce que le cinéaste place devant sa caméra est toujours fascinant dans une certaine mesure. Par exemple, il y a un superbe plan dans lequel Fred et Mick espionnent un couple de personnes âgées en train de forniquer dans une forêt; un plan comique, absurde et aliénant. Espérons que le prochain film de Sorrentino sera plus important malgré le pathos et la douceur de celui-ci.
Auteur: Justin Charbonneau