L’un des premiers grands films du cinéma québécois, Tit-Coq de René Delacroix et Gratien Gélinas, sorti en 1953, n’a rien perdu de sa puissance dramatique.
D’abord écrit pour le cinéma à la fin des années quarante, Gratien Gélinas n’obtient pas le financement voulu pour tourner son film. Il décide donc d’adapter son scénario pour la scène. Pendant trois ans, il promène sa pièce à travers la province et la joue plus de 500 fois. Le succès de sa pièce lui donne les fonds nécessaires pour le réaliser. Le film fut un énorme succès, il reporta le prix du Meilleur film de l’année au Canadian Film Awards
Suite à une bataille entre soldats d’un régiment, Tit-Coq est invité à passer les fêtes chez Jean-Paul Desilets, un compagnon de régiment. Il y fait la connaissance de Marie-Ange, la sœur de Jean-Paul. Les deux s’amourachent, se promettant des merveilles et un avenir heureux.
Tit-Coq et Jean-Paul sont expatriés au front. Les mois et les années passent, Marie-Ange et Tit-Coq s’écrivent régulièrement. La famille Desilets fait pression pour que Marie-Ange rompe son engagement envers Tit-Coq. Elle épouse ainsi un certain, Léopold, homme bien vu par les siens, mais qu’elle n’aime pas. Tit-Coq trahit, revient au pays et tentera suite au conseil de l’aumônier du régiment de prendre un nouveau départ.
Tit-Coq est orphelin de mère et de père, un enfant de l’«amour» comme il le dit lui-même. Qui ne rêve pas de fortune et de gloire, mais d’une simple vie de famille : «moi, quand je rêve, je me vois en tramway, un dimanche soir, vers sept-heures et quart, avec mon petit dans les bras et, accroché après moi, ma femme, ben propre, son sac de couches à la main».
Il y a quelque chose d’universel et d’intemporel dans le récit de Tit-Coq : rêve d’un bonheur simple et trahison. Certes le film date un peu dans sa forme, les origines théâtrales de son auteur son évident. Le texte est au centre du film, parfois cela surprend. Le film est truffé de jeux de mots et de tournures de phrases trop travaillées. Par exemple, lorsque Tit-Coq est invité pour les fêtes chez les Desilets, il répond : «Hier encore je lui cognais la fiole, et v’là qu’il m’invite à aller salir la vaisselle de sa mère! » Cela rend le film antinaturel, mais lui ajoute un charme constant.
Dans sa mise en scène également, les origines théâtrales de M. Gélinas ne sont pas invisibles. Il tourne la plus grande partie de son film en plan fixe, dans des décors limités, comme le serait un décor de théâtre. Dans son plan final, il réussit toutefois à créer quelques choses de très cinématographique qui peut trouver des échos dans de grandes finales des classiques du cinéma Hollywoodien, pensons aux plans finaux de Casablanca ou de Marked Women, une fin douce et amère avec des personnages qui disparaissent dans la brume. C’est touchant et réussi.