Production suédoise/danoise/française/norvégienne, 2017
Note : ★★
Présenté aux derniers Festival de Toronto et de Vancouver, Thelma, du Norvégien Joachim Trier, est un thriller angoissant et raté, à la lisière du fantastique de Carrie, mêlé à l’intime d’un Bergman.
À l’adolescence, il peut être difficile de grandir dans une petite ville où la mentalité est aussi réduite que son échelle. Thelma vient tout juste de quitter ses parents pour aller étudier à Oslo, une occasion pour elle de s’émanciper face à leur emprise émotionnelle grandissante. Dès lors, allant à l’encontre de l’éducation chrétienne familiale reçue, elle fera la connaissance d’Anja, une brunette intrigante qui viendra bouleverser ses croyances jusque-là irrécusables.
Après Oslo, 31 août et Louder than bombs, Joachim Trier continue sur sa lancée confidentielle en nous plongeant cette fois-ci dans l’univers de l’épouvante. Pour sa première incursion dans le film de genre, force est de constater qu’il en maîtrise parfaitement les codes : travail du son amplifié, cadrage resserré sur les visages et plongée inquiétante. D’une beauté visuelle époustouflante, on reconnaît des les premières minutes son goût prononcé pour les images léchées. Cependant, si l’angoisse est là, palpable sur le seuil de notre porte, elle ne parvient jamais à cogner suffisamment fort pour qu’on l’entende.
Souvent attendus, les effets ne résonnent chez le spectateur qu’à de rares moments, les meilleurs passages ayant été compilés dans une bande-annonce aguicheuse mais trompeuse. De plus, leur itération annihile tout le suspense subtilement disséminé ici et là, à l’instar de ces flashs stroboscopiques du générique d’ouverture jusqu’aux scènes de scanner et de club où la tension tangible entre les deux étudiantes, signe d’un désir saphique, évoque l’épilepsie dont Thelma est présumée souffrir. Des souvenirs jusqu’ici enfouis dans son subconscient refont alors surface obligeant la jeune fille à se faire violence pour contrôler ces crises à répétition, lourdes de conséquences.
Dès l’ouverture du film, le mystère se fait sentir dans une scène de chasse où le père de Thelma, possédé par une force occulte, met en joue une biche pour ensuite viser sa propre fille avant de se rétracter. Le surnaturel vient alors gangréner les images une à une tout au long du métrage qui peut difficilement cacher sa parenté avec Carrie sorti en 1976. En effet, les deux adolescentes sont aux prises avec une famille dysfonctionnelle où il leur est impossible d’évoluer, trouvant dans la psychokinèse pour l’une et la télékinésie pour l’autre, un moyen d’exprimer leurs souffrances. D’ordinaire timides, maladroites et solitaires, elles sont les cibles parfaites des moqueries de leurs camarades de classe.
Chez De Palma les railleries hormonales et la projection de tampons sont néanmoins des formes d’intimidation beaucoup plus subversives en comparaison des quelques sourires en coin qu’essuie Thelma en évoquant son éternelle abstinence à l’alcool. Effleurant à peine l’hérésie chrétienne de Margaret White (la mère de Carrie), jamais le spectre de cette mère américaine ne flotte au-dessus des parents qui eux aussi poussent leur fille à expier ses fautes par la prière. Elle chante dans une chorale à l’église et va se confesser à son père dès qu’elle prend le mauvais chemin (l’homosexualité en est un pour eux), telle une brebis égarée cultivant l’ambivalence de ses traits à la fois angéliques et diaboliques.
Il est dommage que l’œuvre de Trier pèche par son manque de substance n’utilisant son potentiel qu’à des fins pernicieuses. La religion apparaît souvent comme un ressort dramatique factice pour générer du stress chez Thelma, tout comme ses pulsions sexuelles qui l’exhortent à lutter contre des sentiments contradictoires. Si la grotesquerie et l’absurdité du twist final déroute et détruit tout le travail du cinéaste à s’éloigner du film d’adolescent classique, Thelma est sans nul doute une œuvre mineure dans sa jeune filmographie malgré tout prometteuse.
Durée: 1h56