France, 1987
Note : ★★ 1/2
« Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus. »
C’est bercé par les sifflements hostiles du public que le réalisateur français Maurice Pialat avait décroché la palme d’or pour son film controversé Sous le soleil de Satan. Le point au-dessus de la tête et les lèvres pincées, Pialat, fidèle à sa réputation de colérique, avait alors lancé la phrase culte du 40e Festival de Cannes : « Si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus. »
Considérant 1987 comme une année fertile en termes de productions cinématographiques, ce film chahuté s’était mérité la désapprobation de l’assemblée et le dédain de la critique. Le public aurait préféré voir Les ailes du désir de Wim Wenders (on en parle ici) ou encore Les yeux noirs de Nikita Mikhalkov l’emporter. N’oublions pas que la France attendait une palme d’or depuis Un homme et une femme de Claude Lelouch qui avait mérité la récompense 21 années plus tôt. Pialat justifiait la polémique en toute simplicité avec l’ardeur qu’on lui reconnaît : « Les Français n’aiment pas gagner et j’ai gagné c’est tout ». Ainsi, c’est un film sur la descente aux enfers d’un abbé puritain qui aura su charmer à l’unanimité le jury.
Croque la pomme
Sous le soleil de Satan est l’adaptation filmique remarquablement ténébreuse du roman homonyme de l’écrivain Georges Bernanos paru en 1926. Détaché de son casting usuel de dur à cuire, Gérard Depardieu interprète le fiévreux Donissan, un curé de campagne qui croise sur son chemin Germaine Malorthy, dite Mouchette (Sandrine Bonnet). Cette dernière évoque un symbole cliché du péché — une femme fatale candide et excentrique de 16 ans — qui ressent le besoin de se confesser à qui voudra bien l’entendre pour assainir sa jeune conscience. L’abbé tombe dangereusement amoureux de Mouchette : voilà le prélude élémentaire d’une relation aussi bien fallacieuse qu’insolite.
Cette rencontre fortuite qui prend place dans l’Artois magnifique de 1926 aspire sensiblement à mettre en lumière la conflictualité affligeante entre émotions humaines et devoirs religieux. Ne sachant plus vers quelle entité divine se tourner , Donissan réalise que les seules manifestations tangibles qui lui ont été révélées efficaces étaient celles de Satan. Ses pensées blasphématoires font de lui un martyr qui ne peut être délivré que par le diable lui-même. Il est difficile toutefois de ressentir une compassion pour le personnage principal qui respire une détresse insipide et si peu attendrissante, et ce malgré toutes les mortifications par flagellation qu’il s’inflige.
Un pacte avec Pialat
Bien que la thématique de l’église soit très féconde au cinéma, Sous le soleil de Satan laisse le spectateur sur sa faim en lui proposant la lutte traditionnelle du bien contre le mal, puis mise sur le talent de ses acteurs pour piquer la sollicitude. Néanmoins, la brillance de Sandrine Bonnet et de Gérard Depardieu parvient difficilement à transcender la monotonie assommante des dialogues.
Si le synopsis ne vous inspire pas, ce seront les paysages parfaitement cadrés du nord de la campagne française qui sauront peut-être vous convaincre. Un grand nombre de critiques ont craché sur l’entièreté de ce film le qualifiant en tout point de prétentieux. Il est pourtant impossible de nier la qualité esthétique de chacune des images qui compose le final cut. Les scènes captées à l’extérieur, particulièrement la nuit, sont nappées d’une brume colorée si envoûtante qu’elles font oublier la trame narrative narcotique. Écouter ce film est un peu comme signer un pacte décevant de 93 minutes avec Maurice Pialat : bien rapidement, le regret d’avoir investi un peu de temps s’installe, mais on reste pour la beauté des images, enfin la seule véritable satisfaction est celle d’être passé au travers d’un classique. Cela dit, Sous le soleil de Satan ne provoque pas d’expérience cathartique. On en sort inchangé.
Défendu fermement par certains, méprisé par d’autres, c’est un film intransigeant à l’image de son réalisateur qui mérite d’être revisité si ce n’est que pour débattre entre amis de sa pertinence.
Bande-annonce :
Durée : 1h37
Crédit photos : Films A2, Flach Film, Erato Films