États-Unis, 2020
Note : ★★★★
Requiem for a Dream est adapté du roman éponyme de l’auteur Hubert Selby Jr. et réalisé par le cinéaste américain Darren Aronofsky. Œuvre phare du réalisateur encore à son deuxième long-métrage en cette année 2000, le chef-d’œuvre à devenir donne la vedette aux acteurs Jared Leto, Ellen Burstyn, Jennifer Connelly et Marlon Wayans. L’action prend place à Brooklyn, ville natale du cinéaste. Il est question d’un récit choral brut et lourd entre une mère, son fils et ses amis dans lequel, tous à leur façon en quête de richesse, de beauté et/ou de gloire, trouvent leur perte.
Sara Goldfarb (Burstyn) ne fait que très peu de ses journées, si ce n’est que d’être assise face à son téléviseur, rêvant de pouvoir un jour passer à son émission « motivationnelle » favorite. Du moment qu’elle y est invitée, Sara veut être à son meilleur pour pouvoir enfiler la robe rouge qu’elle portait à la graduation de son fils Harry (Leto). Cette volonté de beauté et de gloire passées et superficielles devient une obsession pour la femme qui recourt à des méthodes draconiennes, allant jusqu’à prendre des amphétamines pour maigrir. Ce délire termine sa dégringolade en psychiatrie, où elle reçoit une thérapie d’électro-convulsion et en ressort sans beauté, ni gloire. De son côté, son fils Harry est sans emploi et semble sans ambition, alors qu’il décide de se lancer dans la vente d’héroïne avec son complice Tyrone (Wayans) et sa copine Marion (Connelly). Cependant, plutôt que de faire fortune, ceux-ci tombent accrocs à la substance, devenant eux-mêmes les proies du commerce qu’ils prisaient. Cette dépendance dissout les relations entre les amis, menant Tyrone en prison, poussant Marion à la prostitution alors qu’Harry, le bras infecté par les seringues, finit amputé.
Fidèles aux films d’Aronofsky, les thèmes déjantés de Requiem for a Dream sont accompagnés d’une esthétique qui l’est tout autant. Le montage, souvent ponctué par des successions rapides d’images hétérogènes qui condensent certaines actions répétitives, aussi en lien avec les problèmes de dépendance des personnages (télévision, drogue, argent), prédomine dans une esthétique agressive qui attaque presque le spectateur. Suivant cette idée, le montage son et le mixage dans lesquels des sons extradiégétiques, hétéroclites et en inadéquation avec l’image, souvent associés à des moments d’état second, nourrit cet effet. Le spectateur s’y voit constamment dérangé, tant par le fond que la forme.
Requiem for a Dream entretient divers liens avec la télévision. Par ses thèmes et son esthétique, le film d’Aronofsky aborde une position péjorative et une opinion défavorable envers le médium télévisuel qui, comme le mentionne, avec une voix distortionnée, l’animateur fétiche du télé-jeu de Sara, « can drive people crazy ». S’y trouve d’abord une certaine influence de la télévision dans la forme filmique. Certaines scènes, comme celle d’ouverture dans laquelle Harry et Tyrone roulent un vieux téléviseur à travers la ville pour l’emmener au prêteur sur gage, donnent à voir une caméra fugace qui évoque le style du reportage, en plus de concrètement mettre en scène la télévision. Il devient alors anecdotique de considérer la signification que prend l’action des personnages : la télévision, ici au cœur de la société, permet littéralement de voyager et de voir le monde. Le film emprunte également d’autres façons à la télévision ; des caméras placées dans le haut des pièces ne laissent aucun angle mort sur les actions des personnages, omniscience du dispositif à l’image de la téléréalité. Le style de la téléréalité se profile aussi dans certaines scènes, comme lors de la fuite de Tyrone après la mort de son dealer. La caméra subjective, attachée sur lui, ne donne qu’à voir ses expressions faciales alors qu’il court pour sa vie. Dans les deux cas, l’omniscience et la violation de l’intimité de la caméra du style de la téléréalité rappellent le caractère invasif de la télévision. Il y a d’autres emprunts, tel que l’emploi du splitscreen, évoquant la simultanéité et la multiplicité des caméras du studio de télévision alors que cette multiplication des points de vue renforce l’omniprésence du dispositif télévisuel. Prenant au style narratif de certains feuilletons, Requiem for a Dream assoit son récit sur le passage des saisons et fait sentir la différence entre celles-ci, autant dans la transformation de l’espace que la dévolution des personnages.
Quand la télévision parle, c’est pour vendre des idéaux capitalistes et superficiels tels que la fortune, la gloire et la beauté qui montent à la tête des personnages. Sara s’y projette maintes fois et parle à son fils de la télévision comme un idéal de vie, un but, une raison de vivre, une raison d’être heureux. Même à l’hôpital, elle continue de se lamenter : « I just wanted to be on the television ». Cette idéalisation se voit contrecarrée quand la folie atteint son paroxysme et qu’elle voit l’émission de télévision envahir sa maison. Ce moment lui révèle l’envers du décor, présenté par le film comme un espace chaotique et déjanté où la décadence a le champ libre.
Dans sa mise en forme de la télévision, Requiem for a Dream en donne également une image péjorative. Quand Sara est complètement sous l’emprise de sa boîte à images, un jeu d’angles, de plongée et de contre-plongée place la télévision dans une position autoritaire et de suprématie à l’envers de son spectateur qui peut s’y voir minuscule, soumis et impuissant. Également, les séquences de successions rapides d’images hétérogènes plus haut mentionnées évoquent le zapping, action interactive propre et unique à la télévision et son spectateur. Cela dit, ces séquences de zapping sont uniquement associées aux dépendances des personnages : la drogue, l’argent, la télévision et la nourriture (quand Sara est sur différentes diètes). Le rapprochement entre le zapping et la dépendance se fait alors aisément, présentant le médium télévisuel comme un poison qui grandit dans le quotidien des gens et les transportent des images à la ruine.
Bref, l’on peut conclure que Requiem for a Dream, film dur, mais à voir au moins une fois, reste franc dans son opinion de la télévision : celle-ci peut permettre de voyager et de voir le monde, mais, dans la société de consommation, sert surtout comme un dispositif addictif qui propose un système capitaliste idéal, vulnérable et accessible au profit de tous et chacun alors que, dans la plupart des cas, c’est ce système qui a le dernier mot. Dans Requiem for a Dream, la télévision vend un rêve qui mène les gens à leur perte. Elle est représentée de façon totalitaire et aliénante, et ici, même les emprunts formels à la forme télévisuelle servent à en exposer le caractère omniscient et envahissant. Elle agit comme une thérapie d’électro-conduction en douceur, contrairement à celle que subira Sara Goldfarb.
Bande annonce originale anglaise:
Durée: 1h42
Wow mr marcoux. Jadore cinemaniak .net super interressant.jaime chronique captivant.on veux rien manquer. On na déjà hâte sa prochaine chronique vais vous suivre teligeusement.bravo mr jimmy marcoux