Red Rocket : Le charme tapageur de la médiocrité

États-Unis, 2021
Note : ★★★ ½

Après avoir dépeint le milieu de la prostitution transgenre des quartiers chauds d’Hollywood dans Tangerine (on en parlait et ) et la vie des résidents d’un hôtel miteux en marge de Disneyland dans The Florida Project, le cinéaste Sean Baker poursuit sa radiographie de l’Amérique profonde et marginalisée en posant maintenant son regard sur un bled perdu du Texas entouré de raffineries.

Le lieu change, mais Baker demeure dans son élément. Comme à son habitude, le cinéaste new-yorkais emmène avec lui une très petite équipe, particulièrement réduite cette fois-ci en raison de la pandémie, qui travaille avec un faible budget, des comédiens en majorité non professionnels. Une fois de plus, il arrive à faire ressortir le meilleur de ces conditions.

Notons d’entrée de jeu la réalisation inspirée, en plein dans les cordes du cinéaste, qui filme en 16 mm et qui s’amuse, entre autres, avec des effets de zooms ponctuels particulièrement drôles.

Red Rocket suit le parcours de Mikey Saber, vedette du porno déchue, récemment exclu du milieu pour on ne sait quelle raison, qui revient dans sa ville natale le temps de se remettre en selle. Il s’installe dans la maison que partagent sa femme et sa belle-mère, qu’il a abandonnées il y a quelques années, en leur promettant de les aider pour les corvées et l’argent. Il se trouve rapidement un petit boulot de revendeur de drogue, mais surtout, il tombe sous le charme et séduit une jeune caissière d’un magasin de beignes âgée de 17 ans. Il rêve de la ramener avec lui dans le milieu de la porno pour retrouver sa gloire.

Malgré la dureté de son contexte social, The Florida Project, le précédent film de Baker, charmait par sa perspective  ̶  celle, innocente et joviale, d’adorables enfants. Red Rocket, même si la grande partie de l’intrigue tourne autour d’une histoire de séduction, est loin d’être aussi mignon. Au contraire, le récit est confrontant et inconfortable.

La trame narrative est très risquée, mais Baker et son coscénariste Chris Bergoch savent bien naviguer. Le ton n’est ni moralisateur ni empreint d’un jugement explicite. La caméra est objective. Elle présente le protagoniste, présent dans toutes les scènes, tel qu’il est. Au spectateur de le juger. Là se trouve une des grandes qualités du film. On regarde Mikey s’enfoncer dans ses mensonges et ses manipulations, commettre des gestes et avoir des propos amoraux. On est choqué par sa médiocrité, mais aussi extrêmement diverti. En plus d’être un sociopathe narcissique immature, Mikey est également un beau parleur, dynamique et hilarant.

Le choix de Simon Rex au casting est génial. Ayant lui aussi un passé dans le milieu de la porno, il semble être fait pour le rôle. Sa performance énergique et verbomotrice rend parfaitement le personnage et participe en grande partie au charme du film.

Le personnage de Mikey devient l’archétype de l’homme toxique et dangereux qui existe malheureusement encore trop. En situant son film en 2016 lors des élections américaines qui se sont conclues avec l’arrivée à la Maison-Blanche d’un certain Donald Trump, Baker trace un parallèle intéressant. À l’instar de l’ancien président, son personnage est un clown au charisme douteux capable de séduire les plus vulnérables et d’en profiter.

Autour du personnage, le cinéaste dépeint justement une Amérique morose, non éduquée, pauvre, prête à tomber dans le panneau. Le film aide à comprendre comment certaines personnes se font piéger par des égoïstes narcissiques, comment une jeune femme peut se faire embarquer dans l’industrie de la porno, comment un pays peut voter pour Donald Trump.

C’est désolant, certes, mais le procédé qu’emprunte Baker rend le tout digeste. L’empathie et la provocation sont bien balancées. L’affection que porte le cinéaste aux personnages de son univers et son sens de l’humour se combinent bien avec le grotesque et le cru.

Il en résulte un film assez vibrant. Moins touchant que ses deux précédentes offrandes qui trouvaient plus de beauté dans le laid. Davantage grinçant.

Bémol : d’une durée de 128 minutes, le film est trop long pour une intrigue assez mince. Le scénario aurait gagné à être plus concis pour frapper encore plus fort.

 

Bande-annonce :

Durée : 2h08
Crédit photos : A24

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